Pour Hatem Ben Salem, l’ancien directeur de l’Institut tunisien des études stratégiques (Ites) et ancien ministre de l’Education, qui a croisé le fer à plusieurs reprises avec le tonitruant Lassaad Yakoubi de l’UGTT, la diplomatie tunisienne est dans un piteux état. Il ne reste plus grand-chose de son éclat, son rayonnement et son influence régionale. Elle est en train de perdre un très grand terrain. Cherchez le responsable…
L’énarque sait de quoi il parle. Au début des années ’90, il jonglait avec les analyses de Francis Fukuyama et les glasnost et perstroïka de Gorbatchev n’avaient aucun secret pour lui. C’était il y a une trentaine d’années… A l’époque, Habib Bourguiba était à la manœuvre et le navire Tunisie savait où aller… Et puis, l’homme a une longue expérience des relations internationales en tant qu’enseignant universitaire, chercheur et diplomate.
De 1996 à 2000, Ben Salem a été ambassadeur de la Tunisie, successivement au Sénégal, en Guinée, en Gambie, au Cap-Vert et en Turquie. Puis, de 2000 à 2002, il a été ambassadeur représentant permanent de la Tunisie auprès de l’Organisation des Nations unies à Genève. En 2003, il a été secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères chargé des affaires maghrébines et africaines. Un an plus tard, il a été désigné secrétaire d’État auprès du même ministre, chargé cette fois des Affaires européennes, avant de devenir en août 2008 ministre de l’Éducation et de la Formation, poste qu’il a occupé jusqu’à la chute du président Ben Ali en 2011.
Désormais, selon M. Ben Salem, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient et «notre diplomatie a platement échoué».
La Tunisie est devenue frileuse, inactive dans son environnement et quasiment inaudible. «Elle pesait de tout son poids, dans le cadre de ses partenariats européens et arabes, prenait des positions claires et affirmées et pouvait ainsi tirer de nombreux avantages en matière de financements et d’aides dans ses échanges avec le monde extérieu», déplore l’ancien ministre de l’Education.
Pire, M. Ben Salem s’insurge : «Notre diplomatie est totalement absente de la scène euro-méditerranéenne, une région de la planète où tout est en train de se transformer de fond en comble et où tout, en l’espace de quelques années, ne sera plus du tout comme avant. Les anciens repères disparaîtront et la zone euro-méditerranéenne sera méconnaissable pour ceux qui, aujourd’hui, ont choisi d’attendre que les choses se fassent… sans eux.»
MM. Saïed et Jerandi, vous avez le droit de vous sentir visés.
L’ancien ministre étaye ses propos en faisant référence au conflit russo-ukrainien actuel et en attirant l’attention de ceux qui ont la charge de la direction de nos affaires diplomatiques sur le fait que, depuis plus de quatre années, l’Union européenne a versé des milliards et des milliards en Ukraine: «Ces ressources, fait-il remarquer, nous aurions pu y avoir droit. Nous avions fait le mauvais choix d’être absents. Nous continuons… d’attendre. Et tant de chances sont en train de nous passer sous le nez.»
Là, les oreilles des responsables du ministère des Affaires étrangères (MAE) doivent bien siffler, bourdonner…
Marwan Chahla
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