Face au tableau catastrophique de la situation en Tunisie brossé par la plupart des instances internationales, les autorités tunisiennes semblent faire du surplace, tous les regards étant tournés vers Washington où se déroulent les négociations avec le FMI, sachant que le crédit attendu sera conditionné par la mise en œuvre de mesures douloureuses qui vont exacerber la crise sociale et que, de toute façon, il ne sera pas suffisant pour faire face à la crise, si tant est qu’il sera utilisé à bon escient pour aider à relancer une machine économique grippée.
Par Imed Bahri
Les besoins de financement extérieur de la Tunisie restent largement tributaires de la conclusion d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), du «respect de l’État de droit» et de la mise en œuvre de réformes structurelles, a indiqué la direction générale du Trésor français, dans une note publiée fin mars 2022, où il souligne que la Tunisie fait face à de très sérieuses difficultés pour emprunter et financer ses besoins, notamment en l’absence de programme avec le FMI et les inquiétudes croissantes quant à la pérennité de sa dette.
Une dette publique insoutenable sans réformes
«Le recours massif à l’emprunt extérieur prévu pour 2022, à hauteur de 12,7 milliards de dinars, afin de couvrir près des deux tiers des besoins de financement annuels rend impératif la conclusion d’un accord avec le FMI», note le Trésor français, ajoutant que la crise russo-ukrainienne devrait également exacerber les besoins de financement au-delà des 20 milliards de dinars prévus dans la loi de finances 2022 pour soutenir le système de prix subventionnés des produits de base.
La trajectoire de la dette publique reste «insoutenable» sans réformes. La dette publique est passée de 74,2% du PIB en 2019 à 89,7% en 2020 et devrait atteindre 90,2% en 2021 selon le FMI. Il n’inclut pas la dette des entreprises publiques, qui atteindrait 40% du PIB, dont plus de 15% du PIB garantis par l’Etat.
Après une récession historique, le rythme actuel de reprise ne permettrait pas un retour aux niveaux d’activité d’avant la crise avant 2024. Les taux d’investissement et d’épargne bruts, déjà jugés insuffisants, se sont effondrés à respectivement 7,8% du PIB et 4% du PIB en 2020 .
Depuis, l’instabilité politique et les besoins de financement élevés de la Tunisie ont pesé sur les perspectives économiques : les dernières projections de croissance pour 2022 se situent entre 3,3 % (FMI) et 3,5 % (BM).
Le DG du Trésor français pointe du doigt les pressions inflationnistes qui refont surface, tandis que la dégradation de la situation sociale et de l’emploi entretient les tensions.
En effet, le taux de chômage atteint 18,4% de la population active, au plus haut depuis 2011, avec un taux de plus de 42% chez les jeunes.
Inquiétudes sur la capacité du pays à financer son déficit public
«La résilience actuelle du secteur bancaire semble rassurante, mais des incertitudes subsistent quant à l’ampleur du choc à venir et à la capacité du secteur à y faire face. Cependant, la situation reste incertaine. L’inquiétude porte sur l’expiration des extensions de crédit et l’exposition des banques au risque souverain et des entreprises publiques, dont les problèmes de trésorerie s’accroissent et dont l’encours de crédit s’élève à 17% du PIB», souligne encore le rapport du Trésor français. Qui ajoute : «Alors que le déficit du compte courant s’est récemment réduit, des inquiétudes subsistent quant à la capacité de la Tunisie à le financer. Le déficit courant devrait encore se creuser cette année de 7 à 7,5% du PIB, aggravé par les conséquences de la crise sanitaire sur les échanges (perturbation du système d’exportation, pénuries et hausse des prix des importations). Les risques pour les soldes extérieurs restent élevés.»
Pour ne rien arranher, «le déficit budgétaire devrait se maintenir à 6,7% en 2022 selon la loi de finances. La masse salariale a explosé à un rythme annuel moyen de près de 12% entre 2010 et 2020. La situation dégradée des entreprises publiques fait également peser des risques de plus en plus préoccupants sur Les transferts aux entreprises publiques seraient passés de 7,5% du PIB en 2019 à 8,9% en 2020, principalement dans les transports, l’énergie et l’agroalimentaire, auxquels sont fixés des objectifs sociaux.»
La vache ne donne plus de lait
Face à ce tableau catastrophique brossé par la plupart des instances internationales, les autorités tunisiennes semblent faire du surplace, tous les regards étant tournés vers Washington où se déroulent les négociations avec le FMI, sachant que le crédit attendu sera conditionné par la mise en œuvre de mesures douloureuses qui vont exacerber la crise sociale et que, de toute façon, il ne sera pas suffisant pour faire face à la crise, si tant est qu’il sera utilisé à bon escient pour aider à relancer une machine économique grippée.
Apparemment, la vache ne donne plus de lait et ceux qui ont profité un demi siècle durant du modèle économique en place, basé sur le clientélisme, le népotisme et la corruption, à tous les étages de l’administration publique, lève le pied et préfère attendre. Mais quoi au juste ? Le mur où tout le monde va en claxonnant…
Pauvre Tunisie, ruinée par ses propres enfants et condamnée à tendre la main aux miettes lâchées par les bailleurs de fonds internationaux pour survivre ! Ah, le bon vieux temps de la dictature, s’exclament certains, sans ironie aucune pour qui la démocratie est en passe de devenir synonyme de corruption, mal-gouvernance et pauvreté
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