Personne, à la tête de la présidence et du gouvernement, n’ose vous remettre à votre place. Personne n’ose en fait vous dire que vous êtes sorti largement de vos prérogatives comme secrétaire général de l’UGTT. Partout, dans le monde libre et démocratique, les syndicats exercent leur rôle : défendre la cause des leurs syndiqués en particulier et des travailleurs en général. Les syndicalistes sont élus par des syndicalistes affiliés, pas, à ce que je sache, par les électeurs nationaux.
Par Samir Gharbi
La défense de la cause des travailleurs – salaires, conditions de travail, promotion, retraite – n’inclut nullement l’immixtion dans les affaires souveraines de l’Etat : la politique économique et sociale du gouvernement, la politique étrangère… lesquelles sont du ressort exclusif du chef de l’Etat, élu, et du Gouvernement, qu’il désigne.
N’est pas Houcine Abassi qui veut
Or, par abus de situation et grâce au vide laissé par des partis politiques à la dérive, l’UGTT, qui, faut-il, le rappeler n’a pas l’exclusivité de la représentation ouvrière, a trouvé le moyen de pénétrer sur l’arène politique. Ce rôle a pu être admis à une époque bien précise – lors de crise politique aiguë de 2014 – et grâce à l’entregent d’un secrétaire général d’exception, Houcine Abassi, sage parmi les sages.
Mais, n’est pas Houcine Abassi qui veut. La Tunisie a bien changé, en particulier, depuis le 25-juillet-2021. La Tunisie dispose désormais d’un chef d’Etat élu, qui a su s’imposer et mettre fin à la gabegie parlementaire. Il a désigné un chef du Gouvernement, en l’occurrence une cheffe, Najla Bouden.
Or, vous n’avez de cesse depuis ces changements radicaux de mettre des bâtons dans les roues des carrosses présidentiel et gouvernemental. Vous ne cessez de leur faire du chantage. Vous ne cessez de proclamer haut et fort que les décisions – capitales – vous reviennent, sinon agirez en conséquence en appuyant sur le bouton des grèves.
Non, vous n’êtes pas responsable devant les électeurs tunisiens. Vous avez le droit de critiquer les actions présidentielles et gouvernementales si vous estimez quelles sont contraires aux intérêts légitimes des travailleurs. Mais critiquer ne veut pas dire se substituer aux vrais décideurs, ni les menacer de représailles s’ils ne suivraient pas vos «diktats».
Depuis quand la Tunisie a-t-elle besoin de l’aval de l’UGTT ?
La Tunisie n’a jamais été dirigée ainsi sous la gouvernance de Habib Bourguiba, de Hédi Nouira, de Zine El Abidine Ben Ali… Chacun était tenu de jouer son rôle, celui pour lequel il a été élu ou désigné. Il a eu des clashs, des grèves, mais pas d’interférence dans les prises de décisions souveraines.
Depuis quand la Tunisie a-t-elle besoin de l’aval de l’UGTT pour conclure un accord avec ses bailleurs de fonds ou ses partenaires? Depuis M. Taboubi! L’affaissement de l’Etat sous le règne des islamistes et autres pseudo-démocrates n’a rien arrangé, au contraire. Or, ce temps est bel et bien révolu depuis le 25-Juillet-2021.
Certes, le pouvoir n’a pas encore pu se rétablir dans sa force légitime. Mais ce n’est pas une raison pour lui asséner, en étant la tête de l’UGTT, des coups bas.
Franchement, vous avez de la chance! Personne n’ose vous affronter… Ni vous dire vos quatre vérités. Ni vous rappeler que les bonnes finances de l’UGTT dépendent d’une faveur archaïque octroyée en 1956 dans la fougue de l’indépendance : l’Etat avait pris à sa charge de prélever les cotisations syndicales et vous les reverser tout bonnement. Soixante six ans que cela dure, personne, à la tête du pouvoir, n’ose vous le rappeler, ni vous menacer de mettre fin à ce privilège unique au monde !
Soyez sage, M. Taboubi, jouez votre rôle syndical. N’empiétez pas sur les platebandes présidentielles ni sur celles du gouvernement qui ont la lourde charge de la survie de la patrie entre leurs bras.
Le gouvernement actuel aurait pu – dû – vous rappeler que les accords passés avant le 25-Juillet 2021 l’avaient été sous la contrainte par des ministres irresponsables. Et que ces accords auraient dus en conséquence être déclarés caducs !
Si la politique politicienne vous chante, quittez l’UGTT et fondez votre parti, un de plus, ça ne fera de mal à personne! Vous affronterez alors le verdict terrible des urnes!
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