Le naufrage d’un bateau transportant 750 tonnes du gazole à 7 km de Gabès, dans le sud-est de la Tunisie, a provoqué une grande inquiétude dans le pays. Les autorités ont rapidement réagi pour parer au plus urgent et la menace de marée noire semble avoir été écartée, du moins pour l’instant. Cette affaire ne devrait cependant pas nous faire perdre de vue la crise environnementale que vit la région de Gabès, en raison des rejets en mer et dans l’oasis des usines chimiques.
Par Amine Ben Gamra *
Le naufrage du bateau Xelo est donc venu nous rappeler les dangers auxquels fait face depuis des décennies la région de Gabès suite à l’implémentation du Groupe chimique tunisien (GCT) depuis les années 1970.
En attendant les énormes investissements nécessaires pour que cette industrie puisse devenir propre, et que l’Etat tunisien, actuellement surendetté et incapable de financer son budget de l’Etat, ne saurait consentir, tous les jours que Dieu fait, les unités de production du GCT continuent de déverser de grandes quantités de phosphogypse dans la mer. En plus de cette boue nuisible à l’environnement, l’usine dégage de l’acide phosphorique dans l’air, qui a déjà largement affecté l’oasis de Gabès, l’unique oasis maritime au monde.
Les dangers de la pollution à Gabès
Au moment où le commun des Tunisiens pense que l’accroissement de la production et la transformation de phosphate pourraient booster les exportations du pays, atténuer le déficit exorbitant de la balance commerciale et contribuer à la reprise économique, le coût de la pollution à Gabès ne semble pas susciter l’émotion de la communauté nationale, en dehors des habitants de la région, qui ne cessent de manifester leur mécontentement sans trouver l’écoute nécessaire auprès des hautes autorités de l’Etat.
N’empêche, et au-delà de ses difficultés actuelles, l’Etat tunisien ne peut pas continuer à ignorer les dangers que constitue la pollution à Gabès (et dans les autres zones industrielles dans le pays). Aussi est-il dans l’impératif de restructurer sur de nouvelles bases cette industrie extrêmement polluante alors qu’il faut énormément d’investissements pour qu’elle devienne propre. Mais c’est le contribuable qui va être obligé, un jour ou l’autre, de mettre la main à la poche pour financer la restructuration d’un secteur qui a besoin d’une sérieuse mise à jour.
Un développement plus soucieux du bien-être des habitants
Les industries phosphatières, qui sont visibles sur le plan international,car elles sont tournées vers l’exportation, se doivent d’être respectueuses de l’environnement, et cela est valable pour les unités d’extraction, à Gafsa, et de transformation, à Sfax et Gabès.
Il est clair que l’État n’a pas réussi à proposer un plan stratégique de développement de Gabès pour faire face aux impacts de la pollution, diversifier l’économie régionale et la construction de nouvelles infrastructures suspectibles d’accompagner un développement plus cohérent et soucieux du bien-être des habitants. Tous les projets dont le gouvernement ne cesse de parler restent souvent sur le papier ou dans les cartons. Il va falloir passer de la parole aux cates.
* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptables de Tunisie.
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