Lors des conférences, dans les vidéos de bienvenue, durant les débats organisés dans le cadre du Spring meetings du FMI et de la Banque Mondiale (18-24 avril 2022 à Washington), aucun membre senior de la délégation officielle de la Tunisie n’a pris la parole ou a été paneliste (pour une cinquantaine de tables-rondes publiques et de débats médiatisés). Aucun geste de communication pour valoriser en public la Tunisie et s’exprimer sur les enjeux économiques de ces rencontres. Silence radio!
Par Moktar Lamari Ph.D (Washington DC, Rencontres du Printemps du FMI & WB).
En effet, aucun membre de la délégation officielle de la Tunisie n’a pris position pour expliquer les chocs économiques vécus par son pays ou pour défendre les choix institutionnels et perspectives de la Tunisie, comme initiées depuis le 25 juillet par le président Kais Saied. Alors que la Tunisie est sur toutes les lèvres, suite aux propos plutôt négatifs tenus le 19 avril par la directrice générale du FMI sur son surendettement et l’impératif de la restructuration de sa dette, la délégation tunisienne a fait profil bas, préférant ne pas prendre la parole et rien dire dans ces enceintes et débats scientifiques entourant les problèmes économiques, les politiques monétaires et les concepts développés lors de ces rencontres du printemps.
Une communication par le silence
Ce n’est pas seulement une question de non-maîtrise de l’anglais; ce n’est pas seulement une question d’inconfort au sujet des nouveaux concepts et enjeux économiques qui sont développés lors de ces rencontres… c’est plus que cela! Et c’est contreproductif! Jouer à l’autruche n’aide pas la Tunisie. Raser les murs, faire le mort, opter pour l’évitement n’arrange rien… la délégation tunisienne n’a pas osé rencontrer pour mobiliser les universitaires tunisiens présents dans les couloirs des Rencontres du Printemps ici à Washington… aux Etats-Unis et au Canada. La Tunisie du Printemps arabe mérite mieux.
Contrairement à son homologue tunisienne, la délégation marocaine a organisé une journée de branding grandiose, avec musique, cuisine, pâtisserie au sein même des locaux du FMI (en plein Ramadan). Un branding impliquant des médias internationaux, des professeurs universitaires et des intellectuels marocains opérant en Amérique du Nord. L’Algérie a fait de nombreuses rencontres avec ses élites présentes en Amérique du Nord. Le tout pour communiquer et défendre les enjeux et les intérêts du pays. Pour communiquer, pour réseauter et pour capitaliser le potentiel du pays.
De leur côté, les universitaires français accompagnant leur délégation officielle ont été mobilisés par leur pays pour des activités de réseautage et de branding. De toutes sortes : vente de livres, présentation officielle, discours et participation active dans les travaux de panel.
Rien de tout cela pour la Tunisie! C’est dire l’ampleur des occasions manquées! On ne comprend pas la stratégie de la délégation tunisienne au FMI; on ne comprend pas la position de l’ambassade de Tunisie à Washington. Dommage ! Pourquoi, une communication par le silence ? Pourquoi une approche par l’évitement et pourquoi une attitude ambiguë et dissonante, alors que la Tunisie a besoin de redorer son image ternie par une dette insoutenable, par une incapacité à réformer son économie et par une instabilité gouvernementale incompréhensible au sein des sphères décisionnelles ici et maintenant à Washington ? Alors que la Tunisie devrait réseauter pour acquérir la solidarité, la sympathie et la compréhension.
… pour éviter de défendre les politiques de Saied
On dirait que la délégation ne veut pas faire d’erreur politique; on ne prend pas de risque… et on ne veut pas non plus défendre les politiques actuelles de Kais Saied, alors que le parlement est dissous et que plein d’incertitudes planent sur le pays.
Les médias et les groupes de pressions américains présents sont pourtant attentifs et ouverts pour avoir des explications sur l’évolution de ce pays sur le bord de la faillite. Les universitaires tunisiens présents ici à Washington auraient pu élaborer des scénarios et des balises pouvant communiquer le potentiel collectif du pays… Ils auraient pu faire plus de branding dans les médias et les rencontres. Sans faire partie de la délégation officielle, sans parler au nom du gouvernement mais juste pour défendre les intérêts du pays, pour restaurer la confiance et éviter le pire!
Pourtant, la Tunisie recèle plusieurs compétences de calibre mondial, des élites capables de mieux faire et de mieux expliquer les enjeux aux pays donateurs et institutions internationales. Quel gâchis !
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