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Tunisie – Politique : Ahmed Néjib Chebbi, soif de pouvoir et cécité politique

En s’affichant avec les acteurs politiques les plus détestés par les Tunisiens, Ahmed Néjib Chebbi ne redore pas sa propre image, au départ très terne.

Toutes les personnalités politiques qui se sont alliées au parti Ennahdha ou ont été adoubées par lui l’ont chèrement payé en perdant toute crédibilité aux yeux des Tunisiens. C’est le cas de Moncef Marzouki, Mustapha Ben Jaâfar, Béji Caïd Essebsi, Youssef Chahed, Nabil Karoui, Hichem Mechichi, pour n’en citer que les plus importants. Et c’est aujourd’hui le cas de Ahmed Nejib Chebbi, dont la popularité, déjà très faible au départ, subit les conséquences de son alliance tapageusement affichée avec le mouvement islamiste.

Par Imed Bahri

Aveuglé par sa soif incommensurable de pouvoir, qui lui avait déjà joué de mauvais tours par le passé en lui dictant les positions les plus contestables et les plus impopulaires, le président du comité politique du parti Al-Amal a cru devoir annoncer, non sans quelque fierté, que le mouvement Ennahdha soutient le Front de salut national qu’il avait créé récemment avec quelques formations mineures, en appelant les Tunisiens à le soutenir et en affirmant que son initiative ouvre de larges perspectives pour sortir la Tunisie de la crise qu’elle traverse actuellement. Pas moins !

Les islamistes à la manœuvre

L’annonce de ce ralliement a été faite dans un communiqué publié à l’issue de la réunion du bureau exécutif du mouvement Ennahdha, samedi 30 avril 2022, qui a réaffirmé «son soutien à toutes les initiatives nationales œuvrant pour dénoncer le « coup d’Etat », protéger les droits et libertés et consolider les principes de la démocratie». Le «coup d’Etat» désigne, on l’a compris, les mesures exceptionnelles annoncées le 25 juillet dernier par le président Kaïs Saïed.

Ennahdha a ajouté dans le communiqué qu’«il soutient également les initiatives visant à identifier des solutions nationales à la crise économique et financière et à ses impacts dangereux, en termes de hausse du chômage et de détérioration des conditions de vie et du pouvoir d’achat des Tunisiens», feignant d’ignorer que l’écrasante majorité des Tunisiens reprochent aux dirigeants islamistes, qui ont dirigé les affaires de la Tunisie au cours des dix dernières années, d’avoir conduit leur pays à cette situation.

Un fantomatique Front de salut national

Mais cette impopularité d’Ennahdha et de son chef Rached Ghannouchi, que tous les sondages d’opinions présentent comme l’homme politique le plus détesté par les Tunisiens, n’est pas suffisamment dissuasive pour Ahmed Nejib Chebbi, qui est tout content d’annoncer le soutien d’Ennahdha à son fantomatique Front de salut national, dont il a annoncé la création mardi dernier et qui, de l’avis de tous les analystes, n’a aucun avenir politique, même dans le cas d’une grave crise socio-économique qui ferait vaciller le pouvoir sous les pieds de Kaïs Saïed. Et pour cause : non seulement la majorité des Tunisiens ne considèrent pas le président en exercice comme le principal responsable de la crise actuelle dans le pays, mais les cinq partis rassemblés au sein du Front de salut national (Ennahdha, Qalb Tounes, Al-Karama, Al-Irada et Al-Amal), en plus de l’initiative «Citoyens contre le coup d’Etat», ont tous très mauvaise presse, et il est très peu probable que les Tunisiens accepteront que ceux qui ont détruit le pays reviennent au pouvoir, quand bien même leur fantomatique front sera soutenu par les puissances étrangères partenaires de la Tunisie.

C’est d’ailleurs sur ce soutien étranger que comptent Ahmed Néjib Chebbi et ses alliés, même s’ils n’ont pas assez de courage moral pour le dire clairement, car ils ne peuvent pas ignorer le fait qu’au lieu de faire baisser la cote de popularité de Kaïs Saïed, leur opposition au président de la république provoque l’effet contraire à celui escompté, puisqu’elle dope les intentions de vote des Tunisiens en sa faveur.

Frustration personnelle et cécité politique

Par ailleurs, et une simple analyse des chiffres publiés par les cabinets de sondage permet de comprendre que les soutiens de M. Saïed appartiennent aux deux plus importants partis qui s’opposent à lui : le Parti destourien libre et Ennahdha, crédités des plus hauts scores pour les législatives, très loin devant tous les autres. Sinon, comment expliquer que près de 80% des Tunisiens, malgré la situation difficile qui prévaut dans le pays, sont prêts à voter pour Kaïs Saïed pour la présidentielle si celle-ci avait lieu aujourd’hui ? Et l’explication de ce paradoxe est simple : beaucoup des électeurs du PDL pensent, sans doute à tort, que M. Saïed est aujourd’hui le seul rempart solide face aux islamistes, leurs ennemis jurés. Et beaucoup des électeurs d’Ennahdha estiment, sans doute à tort eux aussi, que le président de la république est aujourd’hui le seul rempart face aux destouriens et leur tonitruante présidente, Abir Moussi, leur ennemie jurée. Et c’est le locataire du palais de Carthage qui tire profit de la situation…

Il faut être aveuglé par une irrépressible soif de pouvoir pour ne pas se rendre à l’évidence que le meilleur ennemi de Kaïs Saïed, c’est lui-même, et que ceux qui s’opposent à lui ne font que doper sa popularité. Et c’est le cas de Ahmed Néjib Chebbi dont la frustration personnelle (c’est l’un des rares opposants à Bourguiba et Ben Ali à ne pas avoir accédé aux plus hautes charges de l’Etat) n’a d’égal que la cécité politique. En fait, sa cécité politique n’a d’égal que celle qu’il reproche au président Saïed. Et c’est le drame de la Tunisie d’être infligée d’un tel pouvoir et d’une telle opposition !

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