Les Tunisiens, qui seront invités à participer activement aux prochains rendez-vous politiques, notamment le référendum sur les réformes politiques et les élections législatives, dont les dates son fixées au 25 juillet et au 17 décembre, sont tenus de faire une confiance totale au président de la république Kaïs Saïed, lequel contrôle toutes ces opérations, en amont et en aval. De toute façon, et en vertu du décret présidentiel du 22 septembre dernier, les décisions du locataire du palais de Carthage ne souffrent aucun recours d’aucune sorte. Est-ce ainsi que se construisent les démocraties ?
Par Imed Bahri
En présidant, jeudi 12 mai 2022, au Palais de Carthage, la cérémonie de prestation de serment des nouveaux membres de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), le président de la république a, comme à son habitude, profité de l’occasion pour répondre à ses opposants qui estiment que la «nouvelle Isie», dont les membres ont été désignés par lui, ne sera pas indépendante et les résultats des prochaines élections qu’elle supervisera seront sujets à caution.
Des élections qui reflètent le vote du peuple
Le président Saïed a déclaré que la situation dans le pays sera rétablie à travers le référendum et les élections pour instaurer une nouvelle république qui réponde aux aspirations des Tunisiens. Il fait ici allusion au référendum sur les réformes politiques fixé au 25 juillet et aux législatives anticipées devant avoir lieu le 17 décembre avec une nouvelles constitution et une nouvelle loi électorale, qui seraient promulguées entretemps par décret présidentiel.
Raillant ses opposants, le président a déclaré : «Ils parlent de ramener des experts de l’étranger, alors que nous sommes capables, avec nos propres moyens, de surveiller les élections. Ils exigent que des observateurs étrangers soient dépêchés comme si nous étions un pays occupé.»
Le président de la république a ajouté, sur un ton ironique, en parlant des Etats étrangers : «Ils avaient pris l’habitude d’envoyer des observateurs et des télégrammes de félicitations, tout en sachant que c’étaient de fausses élections… Mais quand nous essayons d’organiser de véritables élections qui reflètent le vote du peuple, ils se mettent à parler de dictature.»
En fait, ce que les experts juridiques et les analystes politiques, qui ne sont pas nécessairement opposés au président Saïed, déplorent c’est que ce dernier est en train d’accaparer tous les pouvoirs, de dissoudre toutes les instances constitutionnelles existantes, de changer leurs membres par d’autres qui sont favorables à son projet politique et d’imposer ainsi son contrôle, en amont et en aval, sur tout le processus politique en cours depuis la proclamation des mesures exceptionnelles le 25 juillet dernier. Ce qui sème le doute sur les réelles intentions du président de la république qui est en train de cumuler des pouvoirs (législatif, exécutif et même judiciaire) que même Habib Bourguiba et Zine El Abidine Ben Ali, dont les régimes étaient qualifiés d’autoritaires voire de dictatoriaux, n’ont jamais osé s’attribuer.
Persistance du président Saïed à vouloir passer en force
Ce qui inquiète les observateurs, à l’intérieur et à l’extérieur, c’est la persistance du président Saïed à vouloir passer en force, fort d’un important soutien populaire démontré par tous les sondages d’opinion, tout en faisant fi des règles élémentaires du pluralisme et de la démocratie, au point de renier aux partis politiques toute représentativité et d’œuvrer pour leur disparition de la scène politique.
Pour M. Saïed, le fait qu’il désigne lui-même, et par décrets présidentiels, tous les membres des instances chargées de surveiller la transparence des prochains rendez-vous politiques (notamment le référendum sur les réformes politiques et les élections législatives, sans parler de la nouvelle constitution et de la nouvelle loi électorale conformément auxquels ces deux rendez-vous seront organisés) ne pose aucun problème.
Les Tunisiennes et les Tunisiens, qui seront invités à y participer activement, sont ainsi tenus de faire une confiance totale à M. Saïed dont les décisions, de toute façon, ne souffrent aucun recours d’aucune sorte.
Si cette manière de voir les choses n’est pas celle d’un apprenti dictateur, tous les fondements de la science politique, depuis Platon, doivent être remis en question.
Donnez votre avis