Les opposants au projet de réforme politique lancé par le président de la république Kaïs Saïed depuis l’annonce des mesures exceptionnelles le 25 juillet 2021 multiplient les démonstrations de force en organisant des mouvements de protestation et en donnant des déclarations aux médias avertissant contre ce qu’ils considèrent comme une dérive autoritaire du chef de l’Etat et appelant à son départ, le rendant responsable de la crise politique, économique et sociale où s’enfonce actuellement la Tunisie.
Par Imed Bahri
Hier, dimanche 15 mai 2022, quelques milliers de partisans du parti Ennahdha, du mouvement «Citoyens contre le putsch», animé par Jaouhar Ben Mbarek, du Front de salut national (FSN), présidé par Ahmed Nejib Chebbi, les deux hommes liges du parti islamiste, et de plusieurs autres partis politiques se sont ainsi rassemblés à l’avenue Habib Bourguiba à Tunis, pour manifester leur opposition au président Kaïs Saïed et réclamer sa destitution. Par la rue ou par l’armée ? Une question que ces opposants ne se posent même pas, alors qu’il s’agit de destituer un président élu par près de 73% des suffrages au second tour de la présidentielle de 2019 et que, malgré leurs tapage et agitation, son taux de popularité reste élevé selon tous les sondages d’opinion. C’est qu’une grande partie des Tunisiens restent attachés à Saïed et considèrent ses opposants, et à leur tête les islamistes du parti Ennahdha, au pouvoir depuis dix ans, comme responsables de la mauvaise gouvernance ayant mené leur pays au bord de la faillite.
Une virginité difficile à retrouver
Les manifestants, qui n’ont que faire de ces considérations, se sont donc rassemblés devant le Théâtre municipal de Tunis, pour dénoncer les décisions prises par le président de la république depuis l’annonce des mesures exceptionnelles, le 25 juillet 2021. Ils considèrent que ces mesures ont sapé la légitimité et violé la constitution et menacent de conduire le pays vers un régime autoritaire. Ils croient pouvoir se refaire une virginité et se remettre en selle en faisant porter la responsabilité de tous les maux du pays à Kaïs Saïed et en scandant des slogans appelant à son départ.
Hier, et afin de démentir les accusations selon lesquelles le pouvoir en place tente de museler les droits et les libertés, des mesures de sécurité strictes étaient prises et de nombreuses unités sécuritaires déployées pour contrôler les entrées et les sorties de l’avenue Habib Bourguiba et s’assurer que l’arrivée des manifestants se fasse sans heurts ni problèmes. Et, surtout, pour éviter que des provocateurs ou des saboteurs se mêlent aux foules affluant vers le centre-ville de la capitale.
Une opposition qui a du mal à se faire entendre
Jaouhar Ben Mbarek, coordinateur du mouvement «Citoyens contre le putsch», le professeur de droit que les islamistes sont en train de mettre en avant, a affirmé, dans une déclaration à l’agence TAP, que la manifestation de dimanche «fait partie d’une série de mouvements organisés depuis septembre 2021 contre les mesures putschistes prises par le président de la république», ajoutant que «Saïed a contribué, par ses mesures unilatérales, à accroître la violence dans la société par son discours violent, tendu et diviseur», et notant que la situation actuelle dans le pays est marquée par une grave crise économique et financière, aggravant la pauvreté, la marginalisation, le chômage et la pénurie des produits de base.
Tout en tenant le président de la république pour responsable des difficultés rencontrées par le peuple, comme en témoigne, selon lui, la régression de la plupart des indicateurs économiques et financiers, M. Mbarek considère que le processus initié par Kaïs Saïed et toutes les démarches et décisions qu’il a prises sont «inacceptables».
Pour sa part, Ajmi Lourimi, ancien député d’Ennahdha, l’un des partis ayant appelé à ce mouvement, a déclaré que le président Saïed a contribué par les mesures exceptionnelles qu’il a prises à isoler le pays et s’isoler lui-même et a aggravé la crise du pays, affectant considérablement le quotidien des Tunisiens.
Reste que le problème des opposants à Kaïs Saïed c’est qu’ils ont du mal à faire entendre leurs arguments. Car si le bilan du président de la république est jusque-là très maigre sur tous les plans, la majorité attribuent ses échecs non pas à ses hésitations, à ses lenteurs et à ses annonces populistes souvent sans lendemain, mais aux obstacles que mettent sur son chemin ses opposants.
(Avec Tap)
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