Un passage en force d’une constitution trop associée à la personne du président Kaïs Saïed risque fort de ne pas lui survivre et pourrait même accélérer son discrédit intérieur et extérieur et même sa chute.
Par Elyes Kasri *
Le projet de nouvelle constitution initié par le président Kaïs Saïed a suscité une polémique tant par les péripéties de sa rédaction que la teneur du texte publié sur le journal officiel pour soumission à un référendum le 25 juillet courant.
La version initiale de la proposition soumise par la commission pour la nouvelle république, pourtant désignée par le président Kaïs Saïed, publiée sur les colonnes du quotidien Assabah, a exacerbé cette polémique surtout que les membres de cette commission, d’éminents spécialistes du droit constitutionnel, se sont démarqués de la version présidentielle et ont même émis de vives critiques à son encontre.
Des élans moralistes à consonance populiste
Pour ma part, je me suis abstenu d’adopter une position de refus systématique du projet présidentiel en attendant de lire le projet de constitution, d’écouter les avis des experts et de décider du principe de ma participation ou non au référendum par un vote positif ou négatif.
J’avoue être déconcerté par de nombreux passages du projet de constitution en plus du style adopté par le président Kaïs Saïed pour le faire passer.
Ce qui m’inquiète le plus c’est l’opacité qui entoure le fond de la pensée du président Kaïs Saïed au-delà des élans moralistes à consonance populiste. Déjà, de nombreux proches collaborateurs comme Abderraouf Betbaieb et Nadia Akacha ont pris leurs distances avec lui en le décrivant en des termes peu flatteurs et carrément inquiétants.
Pour dissiper toute appréhension et incompréhension et afin d’éclairer l’opinion publique tunisienne pour qu’elle puisse se prononcer en connaissance de cause sur cette nouvelle constitution, il serait éminemment judicieux de diffuser en direct sur les chaînes de télévision tunisiennes un débat entre le président Kaïs Saïed, lui-même professeur de droit constitutionnel, et d’éminents juristes tunisiens sur ce projet de constitution y compris et surtout le Doyen Sadok Belaid et le professeur Amin Mahfoudh en plus d’autres éminents spécialistes du droit constitutionnel.
Apaiser les appréhensions à l’encontre de la nouvelle constitution
Une nouvelle constitution est une affaire trop sérieuse pour être traitée à coups de fuites et de déclarations évasives ou de slogans émanant d’opposants systématiques et de partisans inconditionnels.
Un tel débat public entre d’éminents experts pourrait contribuer à apaiser les appréhensions à l’encontre de cette nouvelle constitution et contribuerait à dissiper l’incertitude au sujet des intentions du président Kaïs Saïed qui s’arroge des pouvoirs très larges a la faveur de cette nouvelle constitution que la plupart des experts soupçonnent de servir de couverture à une dérive présidentialiste autoritaire.
Tout refus risquerait d’entamer davantage la légitimité de cette constitution et la crédibilité du président.
De toute façon, un passage en force d’une constitution trop associée à la personne du président risque fort de ne pas lui survivre et pourrait même accélérer son discrédit intérieur et extérieur et même sa chute.
* Ancien ambassadeur.
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