Tunisie : le boycott du référendum n’empêchera pas l’adoption de la nouvelle constitution

Les opposants à Kaïs Saïed et à son projet de nouvelle constitution appellent les Tunisiens à s’abstenir de participer au référendum du 25 juillet courant censé faire adopter ce projet. Ils justifient cela pas leur désaccord avec le processus qui a été adopté par Kaïs Saïed. Sauf qu’une telle abstention ne fera que donner gain de cause au président de la république et lui permettre de faire passer la constitution qu’il veut et comme il veut.

Par Mustapha Mezghani *

En effet, une abstention fera adopter la constitution à un fort taux qui devrait avoisiner les 90%, voire plus et en faire une constitution populaire.

Car, contrairement à ce que disent beaucoup, c’est le taux de OUI qui sera retenu et non le taux de participation au référendum.

Appeler à l’abstention pourrait avoir du sens lors d’élections législatives car ce serait pour un mandat de 5 ans et des élections seront organisées de nouveau. Pour une constitution, l’abstention n’a pas de sens.

L’abstention est une dérobade

Pour moi, les politiciens chevronnés et les partis qui appellent à l’abstention le font par intérêt et pour une des raisons suivantes (je n’en vois pas d’autres):

  1. Le contenu du projet de constitution leur plait. Ils en adoptent le contenu, mais s’étant positionnés contre Kaïs Saïed, ils ne peuvent ouvertement appeler à voter OUI. Ils ont décidé de se cacher derrière l’abstention afin de permettre à ce projet de constitution d’être adopté.
  2. Bien que fondamentalement contre ce projet de constitution, ils considèrent qu’ils ne sont pas capables de mobiliser pour le NON. Ayant peur que ce soit considéré comme un échec, ils préfèrent appeler au boycott et à l’abstention. Ainsi, personne ne pourra dire s’ils ont réussi ou pas.
  3. Par faux calcul, ils appellent à l’abstention car ils ne sont pas d’accord avec le processus adopté par Kaïs Saïed, mais acceptent de voir cette constitution adoptée.

Avoir raison… contre l’intérêt du pays

Ainsi, il semblerait que ces partis et politiciens cherchent plus à avoir raison qu’ils ne cherchent l’intérêt de la Tunisie.

Ils chercheraient plus à montrer qu’ils ont pu mobiliser pour le boycott (ce qui est facile à faire un 25 juillet alors que les Tunisiens sont généralement en vacances et loin de leur résidence habituelle et alors qu’il fait chaud et que ceux qui ne sont pas à la plage préfèreront ne pas sortir de chez eux) plutôt que de chercher le bien de la Tunisie et son avenir.

Pour ceux qui ne sont pas d’accord avec le projet de constitution, il n’y a que deux solutions :

  1. Œuvrer pour que ce projet de constitution soit modifié avant le 25 juillet (même si cela n’est pas évident).
  2. Se mobiliser et mobiliser pour une large participation du NON au référendum. En espérant à ce que le NON l’emporte ou à ce que le OUI soit faible afin de montrer que cette constitution n’est pas populaire comme cela est annoncé.

PS : 1. Pour moi, ce qui importe le plus est la constitution et son contenu futur, et non d’être d’accord ou pas avec Kaïs Saïed. Les gens passent, la constitution reste. C’est la constitution qui permettra de paver le chemin pour instaurer une dictature ou une démocratie

  1. Ceux qui ont peur du bourrage des urnes ou des résultats trafiqués doivent œuvrer pour assurer un nombre suffisant d’observateurs qui seront présents pendant toute la journée et feront remonter les résultats par bureau en fin de journée (avec photo des résultats de dépouillement). Il n’y a pas plus efficace et plus dissuasif.

Ancien Pdg de Tunisie Tradenet et ancien conseiller de plusieurs ministres.

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