Mais qu’est-ce qu’ils attendent ? Voilà six jours que le projet de nouvelle constitution devant faire l’objet du référendum du 25 juillet courant a été publié au journal officiel (30 juin 2022) dans sa version arabe. Six jours qu’on attend sa version en langue française…
Par Samir Gharbi
Faut-il plus de six jours pleins pour traduire ce document et le mettre à la disposition des Tunisiens qui ne maîtrisent pas la langue arabe voire ne la lisent pas?
Apparemment oui. Et il faudra encore attendre… selon le message de ce matin (voir reproduction).
Une constitution à la portée de qui ?
Les Tunisiens qui ne lisent pas la langue arabe se comptent par millions, à l’intérieur du pays comme à l’extérieur. Je peux les estimer à près de la moitié du corps électoral.
Pourquoi un texte aussi important, qui plus est, soumis à référendum, n’a-t-il pas encore été traduit et publié dans une version française officielle ?
Est-ce par manque de traducteurs ? Non, pas du tout.
Est-ce par manque de main d’œuvre à l’Imprimerie officielle ? Non, pas du tout.
Est-ce par manque de matériel, ordinateurs, pièces de rechange ? Non, pas du tout.
Alors pourquoi ?
Je m’aventure… C’est une décision qui a attend la volonté du Prince… Lequel ne prête aucune attention aux langues «étrangères» (après tout, Omar El-Khattab, sa référence absolue, ne parlait pas le langues étrangères!). Les preuves ne manquent pas : le site officiel de la présidence a abandonné depuis la «Révolution» le bilinguisme… Il s’appuie exclusivement sur la communication «orale» ou audio-visuelle (les vidéos des speechs présidentiels) et rarement écrite. Est-ce une façon d’échapper un tant soit peu à l’Histoire… de la part de celui qui n’a que ce mot là à la bouche du matin au soir ? La Télévision nationale a, elle aussi depuis la «Révolution», supprimé le Journal télévisé en langue française.
S’ils ne comprennent pas, tant pis !
A quoi bon informer les Tunisiens, et en particulier, les électeurs du 25-Juillet-2022, dans la seule langue qu’ils comprennent.
Quelqu’un – arabisant attardé – vous dira : «S’ils ne comprennent pas, tant pis !» Cela s’appelle du mépris grandiloquent, de la négligence irresponsable? Après tout c’est leur faute, sinon celle de l’ancien et actuel système éducatif ou celle de l’émigration…
Dans la vie de tous les jours, vous observez pourtant bien que les Tunisiens parlent et écrivent une langue (un dialecte) hybride empruntée à l’arabe, au berbère, à l’italien, au français… Et ce dialecte domine sur les médias publics et privés et les annonces publicitaires.
Comment, quand on est au pouvoir, peut-on ignorer cette réalité intangible et irrémédiable du peuple tunisien divers et varié?
Vous voyez qu’une simple décision politique – celle de ne pas traduire un texte de loi – révèle des intentions négatives : celles du manque de transparence, du dédain, pour ne pas dire de l’incompétence, de la négligence…
Or, pour la communication d’un scrutin populaire décisive qui se déroule le 25 juillet prochain, chaque jour en moins comptera dans la balance d’un vote pleinement assumé : on dira «oui ou non» à un texte qu’on n’a pas compris. Alors, on dira «oui ou non» à la seule personne qui porte ce texte à bout de bras. Là, on passe sans peine du référendum au plébiscite. Et c’est une autre histoire !
La reproduction qui date de ce jour n’a pas changé depuis le 1er juillet.
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