Tunisie : Kaïs Saïed part en guerre contre les comploteurs

En rencontrant mardi 12 juillet le ministre de l’Intérieur Taoufik Charfeddine, au palais de Carthage, pour discuter de la situation générale du pays, le président de la république Kaïs Saïed nous a servi à nouveau sa rengaine complotiste qui, à ses yeux, justifie, par avance, tous les ratés de son mandat, passés et à venir.

Par Imed Bahri

Tout en soulignant la nécessité de respecter la loi et en réaffirmant l’impératif de neutralité du service public, le chef de l’Etat a cru devoir faire une fleur à son bras droit en saluant les efforts déployés par son département ministériel en préparation du référendum du 25 juillet sur la réforme constitutionnel au succès de laquelle M. Saïed accorde beaucoup d’intérêt , puisqu’il joue sa crédibilité sur une bonne participation populaire à cette consultation dont il est pratiquement le seul dans le pays à saisir l’opportunité et l’urgence, les gens ayant la tête ailleurs, les uns occupés par leurs vacances d’été, les autres préoccupés par leur pouvoir d’achat qui fond comme neige au soleil.

Des cyber-attaques, dites-vous ?

Selon le communiqué de la présidence de la république, la rencontre du président avec le ministre de l’Intérieur a également abordé les cyber-attaques visant le site web d’inscription des électeurs et de modification des centres de vote. On apprend aussi que quelque 1 700 cyber-attaques et tentatives d’infiltration ont été enregistrées à ce jour, qu’une information judiciaire a été ouverte à la demande du parquet et que sept personnes ont été entendues par des unités de sécurité spécialisées.

Espérons que cette enquête ne finisse pas comme la plupart de celles du même genre qui se sont toutes terminées en queue de poisson, oubliées dès que l’annonce a donné son effet politique escompté, ou qui n’ont abouti à aucune accusation sérieuse, les dossiers ne contenant souvent pas d’éléments probants recevables par un juge un tant soit peu honnête.

Rappelons que la campagne référendaire, lancée le 3 juillet, va cahin-caha, doucement le matin et pas trop vite le soir. Elle se distingue surtout par la violence verbale sur les réseaux sociaux des éléments les plus ultras parmi les partisans du président Saïed, qui, comme leur idole du moment, ne supportent pas la moindre contradiction. Celui qu’ils élèvent au rang de prophète en son pays, intègre, juste et presque infaillible, incarne à leurs yeux l’idéal du despote auquel on pardonne tout, y compris ses penchants autoritaires que le texte même de la constitution qu’il propose au vote de ses compatriotes traduit en termes tranchants et qui ne laissent aucun doute sur la nature du système hyper-présidentialiste qu’il s’apprête à mettre en place.

L’enfer est pavé de bonnes intentions

La balle est dans le camp des citoyens tunisiens résidant à l’étranger, qui se rendront aux urnes les 23, 24 et 25 juillet, et de leurs concitoyens résidant aux pays qui, eux, voteront le 25 juillet. Mais si un oui équivaut à un plébiscite du président Saïed, qui en prendra prétexte pour s’octroyer encore plus de pouvoirs, personne ne sait encore si, en cas de victoire du non, c’est-à-dire du rejet du projet de constitution proposé par le président de la république, ce dernier aura l’intégrité morale et le courage intellectuel de reconnaître sa défaite, de présenter sa démission (reste à savoir à qui, étant donné le vide constitutionnel qu’il a provoqué ?) et d’appeler à des présidentielles anticipées. L’enfer, on le sait, est pavé de bonnes intentions, et quand on vous veut du bien, malgré vous et sans que vous le demandiez à personne, bonjour les malheurs !

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