Tunisie – projet KidChen : «Les hommes ont exigé un salaire supérieur à celui des femmes», affirme Lotfi Hamdi

L’entrepreneur tunisien et fondateur de l’association «Wallah we can», Lotfi Hamdi, a publié un statut Facebook sur l’expérience qu’il a vécue à travers le projet KidChen lancé par l’association. Une expérience qui a mis au grand jour un esprit défavorable à la culture de travail et un sexisme clairement ancré dans la société tunisienne et en particulier chez les hommes. Ci-dessous le texte de son témoignage comprenant les solutions pour lesquelles l’association a opté pour faire face à ces problèmes.

«Quand nous avons lancé le projet KidChen d’autosuffisance alimentaire des écoles publics, l’idée s’est tout de suite imposée d’en profiter pour sortir de la précarité les parents des élèves qui ne travaillaient pas. Leur situation instable, souvent voulue, ayant des conséquences graves, sur leurs enfants.

«Nous les avons rencontrés et formés à l’agriculture. Sur la totalité, seul 1/3 a persisté. Pourtant les conditions sont plus que favorables:
– Salaire supérieur à la moyenne nationale ;
– Prise en charge des transports dans des conditions décentes et sécurisées ;
– Assurance pour eux et leurs familles.

«Mais dans une culture qui banalise l’irresponsabilité, dans un pays qui en détruisant l’idée de méritocratie a étouffé tout espoir de culture du travail, comment s’en étonner ?

«Il y a peu de temps les hommes ont menacé de partir s’ils n’étaient pas payés plus que les femmes, sous prétexte qu’ils produisaient plus. Nous étions alors au début du projet et rien n’indiquait qu’ils produisaient plus. Mais ce sont des hommes, des mâles, donc nous devions accepter ce principe. même au sein de notre association certains jeunes qui sont pourtant ouverts d’esprits, cultivés trouvaient ce principe normal. Et c’est bien là le problème, quand à force de banaliser des inégalités on normalise l’injustice.

«Au final, nous leur avons dit que nous acceptions qu’ils soient payés plus que les femmes du seul fait que ce soient des hommes. Nous leur avons également expliqué que, limitant leur apport à leur seule identité sexuelle, les femmes auraient certes un salaire inférieur mais au final gagneront plus d’argent. puisqu’elles ne prétendaient à aucune mesure exceptionnelle du seul fait de leur identité sexuelle, elles étaient en légitimes à défendre leurs droits à des primes d’assiduité et de rendement. Malgré cela ils n’ont pas tout de suite percuté qu’ils se tiraient une balle dans le pieds. Il a fallut attendre la fin du mois, qu’ils constate ce que chacune touchait pour renoncer à la revendication d’un salaire supérieur justifié par le fait qu’ils soient des hommes.

«Entre temps une partie des parents qui avaient commencé à suivre les formations et avaient abandonné nous ont recontactés pour travailler au sein du projet agricole en entendant parler des avantages de ceux qui avaient continué dans le projet. Nous avons refusé de les réintégrer. Ils ne le savent pas encore mais nous les contacterons à la rentrée, pour bien leur faire comprendre que le travail n’est pas un caprice, c’est une opportunité pour soi et aussi un engagement vis à vis des autres. Ce n’est pas quand ils veulent, c’est quand nous décidons.

«Voilà comment à petite échelle, en plus de nous engager pour le droit à l’éducation des élèves nous bataillons au quotidien pour planter, dans la vie des parents d’élèves, les graines de la responsabilité individuelle, de la culture travail, de la méritocratie et de la justice.»

C. B. Y.

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