La Tunisie sonde ses «amis» dans les négociations avec le FMI

Le meilleur argument que la Tunisie aurait pu mettre dans la balance des négociations avec le FMI est la mise en œuvre, hic et nunc et avec toute la conviction et la détermination requises, des réformes structurelles douloureuses sur lesquelles elle s’était engagée envers ses bailleurs de fonds internationaux.

Par Imed Bahri

Les ambassadeurs du Japon, d’Allemagne, du Royaume-Uni et de France accrédités en Tunisie ont affirmé le soutien de leurs pays aux négociations entre la Tunisie et le Fonds monétaire international (FMI) en vue de parvenir à un accord sur un nouveau prêt.

Des positions favorables à la Tunisie dans ces négociations ont été exprimées lors de rencontres tenues par la Première ministre Najla Bouden, séparément, avec les ambassadeurs du Japon, Shinsuke Shimizu, d’Allemagne, Peter Brueghel, de Grande-Bretagne, Helen Winterton, et de France, André Parant.

C’est, en tout cas, ce qu’affirme la présidence du gouvernement dans des communiqués publiés ce jeudi 29 septembre 2022 sur sa page officielle Facebook relatifs aux rencontres de la Première ministre avec lesdits ambassadeurs, au moment où les négociations avec le FMI semblent faire du surplace et où les besoins financiers de la Tunisie pour boucler son budget pour l’exercice en cours deviennent très pressants.

L’ombre des partenaires sociaux

La cheffe du gouvernement tunisien semble, à travers cette série de rencontres, sonder les positions des pays occidentaux vis-à-vis des négociations en cours, d’autant que ces pays, en plus des Etats-Unis et du Canada, sont très influents au sein du conseil d’administration de l’organisation financière internationale et leur vote sera déterminant pour une grande part dans la décision finale du FMI, sachant que la Tunisie a demandé un prêt de 4 milliards de dinars sur trois ans.

Selon les communiqués de la présidence du gouvernement, l’ambassadeur du Japon aurait affirmé la disponibilité de son pays à «accompagner la Tunisie dans ses négociations avec le FMI, compte tenu de l’importance des réformes qui ont été préparées et de parvenir à un accord avec les partenaires sociaux». Son homologue allemand aurait «souligné l’importance de parvenir à un accord entre le gouvernement et les partenaires sociaux et de travailler dans un cadre participatif pour mettre en œuvre des réformes économiques structurelles», ajoutant que Berlin «soutient les négociations avec le FMI». Quant à l’ambassadrice britannique, elle a estimé que son pays est «prêt à soutenir les efforts de la Tunisie dans ses négociations avec le FMI, en vue de parvenir à un accord au niveau national entre le gouvernement et les organisations sociales.» De son côté, le chef de la représentation diplomatique française en Tunisie aurait indiqué que son pays soutient les négociations entre le gouvernement tunisien et le FMI, ajoutant que «l’accord du gouvernement avec les partenaires locaux contribuera à créer un climat social pour la mise en œuvre des réformes.»

Une première analyse des propos des personnalités rencontrées, tels que rapportés par la présidence du gouvernement, montre qu’au-delà de leur tonalité diplomatique, ils n’apportent aucune garantie d’un soutien ferme des pays concernés au sein du CA du FMI. Ni d’ailleurs du contraire…

En tenant ces rencontres le même jour, Mme Bouden a-t-elle voulu mettre en exergue les hypothétiques appuis dont bénéficie son pays dans ses négociations avec l’institution de Bretton Woods ? Auquel cas, il aurait fallu expliquer l’absence à ce «ballet diplomatique» des représentants des Etats-Unis et du Canada.

Réformes, sueur et larmes  

Quoi qu’il en soit, et tout en espérant que le prêt espéré sera finalement accordé pour éviter à la Tunisie de sombrer davantage dans la crise, nous estimons, quant à nous, en tant qu’observateurs nationaux, que le meilleur argument que la Tunisie aurait pu mettre dans la balance des négociations est la mise en œuvre, hic et nunc et avec toute la conviction et la détermination requises, des réformes structurelles douloureuses sur lesquelles elle s’était engagée envers ses bailleurs de fonds internationaux.

Dans ce contexte, les cachoteries du gouvernement et sa politique de rétention de l’information, notamment en ce qui concerne lesdites réformes et leurs coûts sociaux, ne présage rien de bon, car la réaction sociale tant redoutée ne serait pas ainsi évitée, mais simplement retardée.

En effet, rien n’aurait valu une présentation claire de ces réformes et de ses répercussions sur tous les plans, une franche explication des sacrifices attendus de toutes les parties et un engagement national à les faire réussir dans des délais raisonnables. Etant de toutes les façons attendu que, prêt FMI ou pas, les Tunisiens n’auront droit au cours des prochaines années qu’à la sueur et aux larmes.  

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