Le drame de la Tunisie, qui ne parvient pas à mettre en route les réformes structurelles nécessaires à sa relance économique, réside dans l’entêtement de l’Etat à croire qu’il peut continuer à plaire, à la fois, à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et aux bailleurs de fonds internationaux, dont les exigences sont diamétralement opposées. On retiendra pour sa défense que la situation est quasiment ingérable. Jugez-en… (Illustration : Noureddine Taboubi – UGTT) / Georgieva Kristalina – FMI).
Par Imed Bahri
Cette façon de voir et d’agir est d’autant plus dramatique qu’elle trahit une véritable cécité politique, dont le pays n’a pas cessé de payer les terribles conséquences, car non seulement les bailleurs de fonds ne vont pas se laisser se faire berner plus longtemps par de faux engagements qui ne seront jamais respectés, mais l’UGTT) n’est pas prête, elle non plus, à se laisser voler son terrain de jeu : le secteur et les entreprises publics où elle recrute l’essentiel de ses effectifs et impose, au passage, sa loi.
Un jeu de dupes
C’est dans le cadre de ce jeu de dupes que se livrent le gouvernement, l’UGTT et le bailleurs de fonds internationaux, Fonds monétaire international (FMI) qu’il faut situer les déclarations incendiaires du secrétaire général de la centrale syndicale, Noureddine Taboubi, comme celle qu’il a faite aujourd’hui, mercredi 5 octobre 2022, en présidant le congrès régional de son organisation à Manouba. «Nous sommes en désaccord avec le président de la république, Kaïs Saïed, sur plusieurs points, mais nous le respectons pour une chose… C’est qu’il a un programme clair et des idées qu’il veut mettre en œuvre. Mais nous lui disons : ‘‘Appliquez-les, mais n’en faites pas porter la responsabilité à l’UGTT», a-t-il lancé, laissant ainsi comprendre que le président de la république soutient le programme de réformes douloureuses présenté par le gouvernement au FMI, afin de se voir accorder un nouveau prêt, mais qu’il cherche à y impliquer, de manière pernicieuse, la centrale syndicale, qui y est catégoriquement opposée, en faisant accréditer l’idée que les derniers accords sur les augmentations salariales signés par le gouvernement et l’UGTT englobent les réformes en question.
Noureddine Taboubi, qui n’est pas dupe du tout, a également déclaré que la Tunisie est aujourd’hui prise entre deux feux contraires. Les uns estiment que les équilibres intérieurs doivent être préservés, y compris avec les syndicats, et les autres soutiennent que le mouvement syndical doit être affaibli en s’attaquant surtout à l’UGTT, l’objectif étant de supprimer les subventions de l’Etat et la cession des entreprises publiques, a-t-il précisé.
Une mission impossible
Le message du dirigeant syndical est on ne plus clair : oui à un accord avec le FMI, qui permettrait à l’Etat de trouver des fonds nécessaires pour payer les salaires des employés de la fonction publique et alimenter la caisse de compensation, mais non à un accord dont le prix serait la réduction de la masse salariale, la suppression des subventions et la privatisation des entreprises publiques déficitaires et qui coûtent beaucoup d’argent aux contribuables.
Ce qui est ainsi demandé à l’Etat c’est une mission impossible : réformer l’économie, tout en maintenant les causes de tous les dysfonctionnements que celles-ci sont censées corriger.
Il faut avoir une tête bien faite comme M. Taboubi pour penser que cela est possible !
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