Sans faire de Kaïs Saïed une victime, parce qu’il est la cible de toutes leurs invectives, les dirigeants de l’opposition ne semblent pas plus compétents que lui : ce sont tous des spécialistes des joutes verbales et présentent rarement des propositions constructives pour redresser la situation dans le pays.
Par Kaïs Krissane *
L’homme ou la femme politique se portant candidat à la magistrature suprême pour conduire la nation diffère du militant colleur d’affiches par sa capacité à garder son sang froid en toute circonstance et à résister aux hostilités, aux pressions et aux contrariétés de toutes sortes. C’est ce qui fait de lui un homme ou une femme d’Etat.
Dans l’intérêt des militants de leurs partis et de leurs électeurs, les hommes et femmes politiques doivent avoir un comportement irréprochable et savoir garder le cap sans se décourager face à la moindre difficulté.
Aussi l’attitude de certains dirigeants de l’opposition qui ont décidé de ne pas participer aux prochaines législatives est-il regrettable voire désolant, car, quels que soient les griefs qu’ils puissent avoir contre le processus politique initié par le président Kaïs Saïed, et qui sont légitimes, une telle attitude s’apparente à un refus du jeu démocratique.
La bataille politique pour un idéal ne se fait pas en recourant au boycott. Et encore moins aux déclarations indécentes, comme celle d’affirmer aux médias que le président Saïed a «violé la république». D’autant qu’une telle déclaration a été faite par une femme, la présidente du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, qui sait très bien ce que le terme «viol» peut signifier pour la gente féminine.
Des diatribes en guise d’idées
La bataille politique, on la mène avec les idées, les programmes et la volonté de changer les choses dans le bon sens et non en déclarant forfait sous prétexte que les dés sont pipés. Il s’agit, justement, d’aller sur le terrain imposé par Kaïs Saïed et lui montrer, par les urnes, que sa stratégie qui consiste à museler l’opposition ne marchera pas. On la mène surtout avec un programme détaillé, chiffré et validé par les instances du parti qui porte des candidats aux législatives.
Le boycott serait une dérobade pour cacher la difficulté de trouver des candidats pour porter les couleurs du parti, comme disent certains, même si des partis comme le PDL ou Ennahdha ont déjà montré, lors des précédents scrutins, une grande capacité de mobilisation populaire.
La multiplicité des partis est certes une garantie de pluralisme, Mais le pluralisme n’est pas suffisant, car il ne s’agit pas seulement de meubler une assemblée, mais de trouver des solutions pour sortir le pays de son marasme économique. Et pour cela, on a besoin de dirigeants responsables et mûrs qui ont de vrais programmes économiques chiffrés et validés par des experts indépendants, garantissant la relance économique, la stabilité de la balance commerciale, la réduction du déficit budgétaire, le remboursement de la dette et la réduction des charges de l’Etat, et notamment de la masse salariale de la fonction publique, afin que la Tunisie redore son blason auprès des agences de notation.
Saïed servi par ses opposants
Sans faire de Kaïs Saïed une victime, parce qu’il est la cible de toutes leurs invectives, les dirigeants de l’opposition ne semblent pas plus compétents que lui : ce sont tous des spécialistes des joutes verbales et présentent rarement des propositions constructives pour redresser la situation dans le pays.
Dans sa volonté de donner un coup de pied dans la fourmilière pour renouveler la classe politique, pas trop à son goût, Kaïs Saïed a certes confisqué l’espace du débat politique dans le pays. Et Abir Moussi et les autres dirigeants de l’opposition peuvent prétexter qu’ils ont été acculés à porter ce débat dans la rue et que cette solution leur a été pour ainsi dire imposée. Et cela est vrai, mais qu’on nous permette de douter de l’utilité et de l’efficacité d’une telle démarche qui va finalement faire le jeu du locataire du palais de Carthage et lui permettre de faire élire une assemblée moins rétive sinon complètement acquise à son projet politique.
* Expert immobilier indépendant, cadre bancaire à la retraite.
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