Les potins du cardiologue : l’épreuve d’effort, entre le risque et l’inutile

En cardiologie, l’épreuve d’effort est un examen très ancien mais non sans risque. Il garde son intérêt, à condition que la sélection des patients soit respectée, que les sujets à risque de mort subite soient d’emblée écartés, et qu’elle soit réalisée dans l’environnement matériel optimal de sécurité. Explications… (Ph. Beaumont Hospital).

Par Dr Mounir Hanablia *

L’épreuve d’effort que les anglo-saxons qualifient de stress test est cet examen qui soumet le patient à un effort physique de puissance croissante, grâce à un tapis roulant ou un vélo, visant généralement à mettre en évidence un manque d’oxygénation du muscle cardiaque.

Ce défaut d’oxygénation est qualifié d’ischémie et se traduit par une douleur ou une sensation de brûlure au milieu de la poitrine, ainsi que des modifications caractéristiques de l’activité électrique du cœur. 

Facile mais pas sans risque

Le stress test est réalisé également dans d’autres situations, pour démaquiller un trouble du rythme en cas de malaises ou de sensation de battement anormal, apprécier une aptitude à l’effort dans un contexte sportif, ou bien chez des personnes malades des coronaires et ayant bénéficié d’un pontage ou d’une angioplastie.

Le stress test est facile à réaliser et reproductible. Malgré des chiffres statistiques (faussement) rassurants, il peut théoriquement être dangereux en déclenchant à l’effort des troubles du rythme graves et c’est pour cela qu’il ne devrait pas être réalisé en l’absence de moyens de réanimation adéquats, d’une source d’oxygène ou de vide, et surtout d’un appareil de choc électrique externe (défibrillateur), dont il faut vérifier le fonctionnement quotidiennement.

Ceci signifie que réalisé en dehors des conditions précitées il peut mettre en danger la vie du malade et il est donc théoriquement nécessaire d’en interdire la pratique dans les cabinets médicaux ou dans des locaux inadaptés. Il est vrai que rares sont les collègues audacieux au point de pousser l’examen au maximum de l’effort théorique, mais ceci le rend alors médicalement sans intérêt.

Quand faut-il prescrire cet examen? C’est ici que le bât blesse puisqu’ils ne sont pas rares les cardiologues qui, forts des cohortes statistiques relatives à l’innocuité de l’examen et à sa sécurité, estiment utile de le faire pratiquer quelle que soit la sévérité de la douleur.

Réservé aux cas douteux

En réalité, dans le contexte de la maladie coronaire, par définition, il faut l’éviter lorsque l’ischémie du muscle cardiaque, son déficit en oxygène, est confirmée au repos. Et la douleur typique particulièrement au repos décrite par le ou la patiente dans un contexte précis, en général de tabagisme, de diabète, d’hypertension, d’hérédité familiale, suffit à aiguiller d’emblée, vers l’opacification des coronaires, la coronarographie, avec une possibilité raisonnable de détecter des lésions coronaires sévères, qui induiraient des accidents à l’effort, et de les traiter précocement.

Donc, le stress test doit très logiquement être réservé aux cas douteux: douleurs de la poitrine atypiques, électrocardiogramme normal ou peu évocateur, malaises sans douleur chez les patients à risque de maladie coronaire, sténoses d’autres artères telles que les carotides.

Dans la pratique quotidienne la prudence n’est pas toujours de mise, et il n’est pas rare de voir un patient avec un dossier d’infarctus du myocarde exhiber un rapport d’épreuve d’effort réalisée à la phase aiguë de son infarctus. Il est vrai que rares sont les cardiologues qui ont alors le courage dans ce cas de dépasser le premier palier de l’effort. Mais depuis son apparition, le coronaroscanner est devenu un sérieux concurrent au stress test puisqu’il s’adresse aux mêmes patients, ceux dont le diagnostic d’insuffisance coronaire est douteux, et qu’il permet de voir directement l’anatomie de l’arbre coronaire grâce à une opacification des artères, éliminant d’emblée les faux positifs, mais pas les critiques, relativement à son coût et à l’usage de produit de contraste.

Néanmoins, l’épreuve d’effort, un examen très ancien, garde son intérêt, à condition que la sélection des patients soit respectée, que les sujets à risque de mort subite soient d’emblée écartés, et qu’elle soit réalisée dans l’environnement matériel optimal de sécurité. C’est moyennant la prise en compte de ces exigences que la mortalité et les accidents graves y demeureront statistiquement non significatifs.

* Médecin de pratique libre.

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