La visite du président Saïed à Washington est une excellente occasion pour présenter de nouveau les atouts de la Tunisie aux Américains, tout en veillant à rester pragmatique et réaliste, le terrain aux États-Unis ne se prêtant nullement aux discours fleuves et aux délires idéologiques. Ce serait l’erreur à ne pas faire si le président espère réellement dissiper les malentendus, restaurer son image brouillée et relancer les relations tuniso-américaines. (Illustration : Kais Saied à son départ de Tunis).
Par Raouf Chatty *
A peine revenu d’Arabie Saoudite où il avait participé au Sommet Chine/Pays Arabes, le président de la république Kaïs Saïed s’est envolé, lundi 12 décembre 2022 pour une visite de trois jours aux États-Unis d’Amérique à l’invitation du président américain Joe Biden pour participer au Sommet États-Unis d’Amérique/Pays Africains qui se déroule à Washington du 12 au 15 décembre 2022.
Ce sommet est le deuxième du genre depuis celui organisé en 2014 par le président Barack Obama. Entre-temps, son successeur Donald Trump avait privilégié sa politique d’«America first», tout en négligeant carrément l’Afrique durant son mandat.
Africa first
Durant ce second Sommet, l’administration Biden va plaider, comme l’a indiqué le ministre des Affaires étrangères américain Antony Blinken pour un véritable partenariat avec l’Afrique. L’Amérique affirme ainsi sa volonté de renforcer sa présence en Afrique dans tous les domaines et de lutter contre l’influence grandissante de la Chine et de la Russie dans le continent.
Or et nonobstant les aspects sécuritaires de la visite du président Saïed à Washington qui doivent demeurer confidentielles, l’opinion publique a le droit d’avoir une information précise sur le côté protocolaire de la visite, l’agenda du président et les attentes de notre pays par rapport à cette visite, dont la portée bilatérale sera nécessairement limitée.
Cependant, des rendez-vous de cette importance sont censés avoir été méticuleusement préparés, et longtemps à l’avance, à tous points de vue : discours, entretiens officiels, contacts avec les médias par les services compétents du ministère des Affaires étrangères en coopération avec notre ambassade à Washington et les services compétents américains.
Le but est de donner le plus possible de visibilité et de rayonnement à la visite du président afin qu’elle soit judicieusement exploitée, qu’elle ne passe pas inaperçue et qu’elle rapporte des dividendes pour le pays, notamment en termes de projets, d’investissement et de développement.
Nous espérons que le ministère des Affaires étrangères et notre ambassadeur à Washington aient veillé à l’avance aux différents aspects de cette première visite du président Saïed à Washington, tout en ayant à l’esprit les nombreuses sollicitations émanant des dirigeants africains à l’endroit des décideurs américains.
L’espoir est également grand de voir le président de la république profiter de sa présence dans ce grand forum multilatéral à Washington pour tenir un discours sobre, réaliste, non idéologique et nouer des contacts utiles avec ses homologues africains et les hauts responsables américains pour faire mieux connaître les atouts de notre pays.
Dissiper les malentendus
L’occasion pourrait être aussi saisie pour s’entretenir avec la directrice générale du Fonds monétaire international et le président de la Banque mondiale. Des médias américains et des associations américaines actives dans le domaine des droits de l’homme et des libertés pourraient aussi le solliciter et il serait bien inspiré d’en profiter pour dissiper les malentendus relatifs à ce qui est présenté outre-Atlantique comme une dérive autoritaire de la part du locataire du palais de Carthage.
Le président dispose ainsi durant ces trois jours d’une excellente occasion pour faire passer des messages clairs aux officiels américains. Ces derniers, depuis la proclamation de l’état d’exception en Tunisie le 25 juillet 2021, n’ont pas arrêté de dépêcher à Tunis de hauts responsables du Département d’État et du Conseil de sécurité nationale à la Maison Blanche pour l’appeler à restaurer le processus démocratique, l’Etat de droit et les libertés publiques dans le pays.
Il dispose également d’une excellente occasion pour présenter de nouveau les atouts de notre pays, tout en veillant à rester pragmatique et réaliste, le terrain aux États-Unis ne se prêtant nullement aux discours fleuves et aux délires idéologiques. Ce serait l’erreur à ne pas faire si le président espère réellement dissiper les malentendus, restaurer son image brouillée et relancer les relations tuniso-américaines qui traversent actuellement une zone de turbulences dont notre pays se serait bien passé.
* Ancien ambassadeur.
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