La Tunisie face à un scénario de soif et de famine

La Tunisie fait face depuis quelques années à la pire crise hydrique de son histoire. Aussi le gouvernement doit-il engager d’urgence une consultation nationale sur la crise de l’eau et prendre les mesures qui s’imposent pour sauver ce qui peut encore l’être et amortir les effets désastreux de ce qui pourrait être un scénario de soif et de famine. (Illustration : Corvée d’eau. Ph. Amine Landoulsi.)

Par Sémia Zouari *

La Tunisie affronte cet hiver 2022-2023 un grave déficit hydrique qui induirait à brève échéance le rationnement de l’eau potable par la Sonede, à raison de deux heures de disponibilité par jour.

En cause : le changement climatique, le pompage sauvage de la nappe phréatique, la déforestation avec la complicité des gardes-forestiers recrutés par qui ont sait après la révolution de 2011, les incendies criminels des forêts par les mafias du charbon alors que ces forêts jouent un rôle essentiel dans la formation des précipitations, à telle enseigne qu’aujourd’hui, tout le Nord-Ouest céréalier est totalement sinistré et ne peut espérer de récoltes d’aucune sorte… sans compter la raréfaction des pâturages et des fourrages qui a aggravé la crise de la filière lait et de la nutrition animale dans le contexte international de pénurie et de guerre en Ukraine.

Un sursaut individuel et collectif

Nous devons tous faire l’effort individuel et collectif d’économiser l’eau, de nous adapter à ce changement, d’aménager en conséquence nos logements et nos infrastructures en prévoyant une collecte rigoureuse des eaux de pluies dans des bâches à eau, et même en récupérant et filtrant les eaux des douches et des lavabos et éviers, en participant aux campagnes de reboisement, en boycottant le charbon, autant dans la cuisine que dans les cafés à chichas, en dénonçant les promoteurs immobiliers qui construisent des parkings souterrains en profondeur jusqu’à arriver à la nappe phréatique qu’il évacuent continuellement par un pompage sauvage alors qu’ils opèrent dans ce qui était des ceintures vertes et des zones agricoles périurbaines.

Les structures hôtelières doivent être obligées d’adopter des normes de développement durable et d’économie en eau, avec aménagement de mini stations d’épuration pour récupérer de l’eau pour l’arrosage des jardins et le nettoyage.

Chacun de nous doit participer à l’effort de reboisement de la Tunisie, pour la faire reverdir et ralentir la désertification.

Amortir les effets désastreux

De son côté, l’Etat doit assurer la maintenance et le curage des barrages et la réparation du réseau d’adduction d’eau dont les pertes excèdent les normes admises à l’international.

Les cultures dans les oasis du Sud doivent être encouragées avec le recours à la nappe d’eau fossile notamment via la géothermie.

La situation est grave et nous n’avons plus d’eau potable. Le dessalement de l’eau de mer n’est pas la panacée car il a des effets pervers sur les ressources halieutiques et l’eau reste excessivement chargée en iode.

Le gouvernement doit engager d’urgence une consultation nationale sur la crise de l’eau et prendre en compte les recommandations des experts agricoles et des hydrauliciens pour sauver ce qui peut encore l’être et amortir les effets désastreux de ce qui pourrait être un scénario de soif et de famine, aussi bien dans les zones rurales qu’urbaines.

* Diplomate.

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