Au Courant démocrate (Attayar), les changements à la tête du parti ne donnent pas lieu à des guerres fratricides, comme souvent le cas dans la scène politique tunisienne. Les départs aussi se font sans un étalage du linge sale, ce qui n’est pas mal non plus.
Ainsi donc, après Mohamed Abbou et Ghazi Chaouachi, tous deux démissionnaires suite à des divergences d’approches et de visions, Attayar a désormais un nouveau secrétaire général, élu par ses instances dans une atmosphère plutôt cordiale : Nabil Hajji.
Lors de sa première conférence de presse à la tête de son parti, hier, jeudi 12 janvier 2023, pour présenter la nouvelle composition du bureau politique et exposer la vision du parti sur la situation dans le pays, le nouveau secrétaire général d’Attayar a annoncé la couleur : «On ne conclura aucune alliance avec les partis qui ont donné leur aval à Kaïs Saïed pour mener à bien son projet politique», a-t-il déclaré.
Le parti s’oppose également à tout rapprochement avec ceux qui ont plus ou moins contribué à la destruction de l’économie nationale et dont le but ultime n’est autre que de revenir au pouvoir, a ajouté Hajji, fermant ainsi la porte à tout rapprochement avec d’autres formations en vue de former un vaste front d’opposition au président de la république, qui mène seul sa barque, en faisant fi des cris d’orfraies de ses opposants, toutes tendances confondues.
En termes d’alliances, le Courant démocrate travaille en coordination avec quatre autres partis de centre-gauche (Al-Joumhouri, Al-Massar, Al-Qotb et Al-Oummal), qui se disent ouverts à toutes les formations politiques partageant les mêmes valeurs et orientations, a ajouté Hajji.
En réaction à l’initiative de dialogue national lancée par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), en coordination avec le Conseil de l’ordre des avocats et la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme (LTDH), et qui exclurait les partis, Nabil Hajji a déclaré qu’il n’y a pas encore d’initiative mais plutôt des intentions. «Mais c’est franchement une perte de temps car la partie à qui vous parlez fait la sourde oreille», a-t-il lancé, par allusion au président Saïed, qui refuse de dialoguer avec aucune partie.
«Il est absurde de parler d’une vie politique sans partis», a encore déclaré Hajji, ajoutant que «ces mêmes partis ont gagné la confiance du peuple lors des précédentes élections.»
Parlant des manifestations prévues demain, samedi 14 janvier, au centre-ville de Tunis, à l’occasion du 12e anniversaire de la révolution, pour protester contre la dérive autoritaire du président Saïed, Hajji a dit : «Nous ne descendrons pas seuls dans la rue le 14 janvier», ajoutant que «les Tunisiens, dont une grande partie a salué les décisions du président de la république du 25 juillet (2021, date de la proclamation de l’état d’exception, Ndlr) avant de déchanter, sont invités à rejoindre le rassemblement.»
Nabil Hajji a appelé les Tunisiens à faire pression, de manière légale et pacifique, sur le président Kaïs Saïed, pour qu’il change de politique ou recule. «Aucune tentative de réforme ou d’organisation d’un dialogue ne réussira sous le règne de Saied», a-t-il insisté.«Le président n’écoute personne. Le peuple, qui est à l’origine de son accession à la magistrature suprême, doit le convaincre de quitter son poste», a-t-il martelé, ajoutant que le projet du président de la république «est inévitablement voué à l’échec. Son arrivée au pouvoir, sans projet ni vision claire, prouve l’échec des partis politiques, qui sont tous invités à faire leur autocritique.»
Prenant la parole lors de la conférence de presse, Mohamed Arbi Jlassi, secrétaire général adjoint, a passé en revue les indicateurs économiques et sociaux, citant le taux d’inflation de 10%, ainsi que le chômage à plus de 15%, et la «crise historique» des finances publiques. Il a ensuite plaidé pour la mise en place d’un gouvernement non partisan avec les prérogatives prévues par la Constitution de 2014, et dirigé par une personnalité nationale consensuelle, pour sortir la Tunisie de la crise.
I. B.
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