Dans une lettre adressée au secrétaire d’Etat Antony Blinken, en date du 27 mars 2023, dont nous reproduisons ci-dessous la traduction française, 20 membres du Congrès appellent l’administration américaine «à veiller à ce que toute aide étrangère américaine à la Tunisie soutienne le rétablissement d’une gouvernance inclusive et démocratique et de l’État de droit, ou soutienne directement les Tunisiens dans le besoin économique».
Cher Secrétaire Blinken,
Nous vous écrivons pour exprimer notre grave inquiétude suite à l’intensification de la répression du président tunisien Kaïs Saïed contre son opposition politique présumée ces dernières semaines, une accélération brutale de la consolidation autocratique de la Tunisie.
Depuis le 11 février 2023, le président Saïed a conduit une vague d’arrestations à motivation politique qui ont ciblé des militants, d’anciens ministres et députés, des personnalités de partis politiques, des juges, des avocats, des hommes d’affaires et des membres des médias, apparemment en représailles pour l’exercice de leur droit fondamental à la liberté d’expression.
Nous sommes particulièrement alarmés par des informations crédibles selon lesquelles les autorités tunisiennes ont accusé des individus de «complot contre la sécurité de l’État» et de «complot en vue de renverser le gouvernement» en vertu de la loi antiterroriste pour avoir rencontré des diplomates américains, procédé à des arrestations en violation des procédures régulières, nié pendant 48 heures avoir détenu des personnes à leur famille et fait un usage excessif de la force lors d’une arrestation qui a causé des blessures graves à au moins un détenu. De plus en plus de voix dissidentes continuent d’être arrêtées ou convoquées pour interrogatoire presque quotidiennement.
Au cours de cette campagne d’arrestations, le président Saïed a également tenu des propos racistes et xénophobes choquants pour suggérer qu’un «complot» était en cours pour transformer la Tunisie en «un pays purement africain qui n’a aucune affiliation avec les nations arabes et islamiques». Sous l’impulsion de la rhétorique de Saïed, des migrants avec et sans papiers ont été arbitrairement arrêtés par les services de sécurité, des responsables ont saisi des jeunes dans des crèches, des individus ont été expulsés de leurs maisons et des quartiers entiers ont été perquisitionnés. Des ONG et des journalistes basés en Tunisie ont également documenté une augmentation des agressions à caractère raciste contre des Africains subsahariens par des citoyens ordinaires. Les commentaires du président Saïed semblaient viser à semer la division et à inventer des boucs émissaires pour la crise économique aiguë du pays à une époque de mobilisation populaire croissante contre sa politique. L’annonce ultérieure du gouvernement selon laquelle il assouplirait les règles de visa pour les citoyens des pays africains ne compense pas les énormes dommages causés par ces actions.
Non seulement ces développements alarmants et la consolidation autocratique continue de la Tunisie mettent en danger la stabilité du pays dans une période de profonde insécurité économique, mais ils suscitent de sérieuses inquiétudes quant à l’avenir des relations américano-tunisiennes, qui depuis 2011 sont ancrées par un engagement partagé envers les principes démocratiques. Ce sont ces valeurs partagées qui ont conduit le House Democracy Partnership à s’associer au parlement tunisien et le gouvernement américain à désigner la Tunisie comme un allié majeur hors Otan, à renforcer la coopération en matière de sécurité et à augmenter considérablement l’aide bilatérale au cours des 12 dernières années.
Nous avons été encouragés de voir le porte-parole du Département d’État, Ned Price, s’inquiéter le 2 mars 2023 de la récente vague d’arrestations en Tunisie et réaffirmer l’engagement de l’administration à protéger la liberté d’expression. Nous exhortons l’administration à continuer de souligner l’importante régression démocratique de la Tunisie et insistons sur la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes détenues arbitrairement.
En outre, nous encourageons l’administration à veiller à ce que toute aide étrangère américaine à la Tunisie soutienne le rétablissement d’une gouvernance inclusive et démocratique et de l’État de droit, ou soutienne directement les Tunisiens dans le besoin économique, et ne renforce pas la main de ceux-ci, y compris les services de sécurité intérieure, qui ont exacerbé la répression et l’autoritarisme sous le président Kaïs Saïed.
L’administration devrait préciser que la répression de Saïed sape la confiance dans l’État de droit qui est essentielle pour une relation américano-tunisienne florissante et un soutien monétaire international qui pourrait profiter au peuple tunisien et atténuer les difficultés économiques.
Enfin, nous exhortons l’administration à préciser que les propos racistes et xénophobes du président Saïed sont inacceptables et à travailler avec les gouvernements partenaires et les organismes intergouvernementaux tels que l’Union africaine pour coordonner un message clair et soutenu de soutien fort aux institutions démocratiques et au droit à l’expression pacifique en Tunisie.
Traduit de l’anglais.
Le texte original de la lettre suit et est disponible sur ce lien.
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