Le FMI ne ferme pas la porte devant la Tunisie

A la surprise générale, le Fonds monétaire international (FMI) a déclaré lundi 10 avril 2023, à Washington, que son engagement se poursuit avec la Tunisie au sujet d’un plan de sauvetage de 1,9 milliard de dollars, même après que le président Kaïs Saïed ait promis de rejeter tout accord impliquant des réductions de dépenses de l’Etat.

Par Moktar Lamari, de Washington

Le gouvernement tunisien a «fait des premiers progrès dans la mise en œuvre de son programme de réforme économique local» et une nouvelle date du conseil d’administration du FMI «sera fixée en consultation avec les autorités tunisiennes, une fois que les exigences du programme seront en place», a déclaré lundi une porte-parole du prêteur dans une réponse envoyée par courrier électronique aux questions.

Saïed rejette les «diktats» étrangers

Le gouverneur de la Banque centrale, Marouane Abassi, et le ministre de l’Economie et de la Planification, Samir Saïed, assistent aux réunions du FMI et de la Banque mondiale de cette semaine à Washington, selon les médias d’État, bien que le ministre des Finances y soit absent.

Les obligations tunisiennes ont le plus plongé dans le monde entier, le 6 avril, après que Saïed ait exprimé son opposition à ce qu’il a appelé des «diktats» étrangers qui pourraient appauvrir davantage le pays à court d’argent.

La Tunisie et le FMI sont parvenus à un accord de principe au niveau du personnel en octobre, mais l’accord n’a pas encore été examiné pour approbation par les administrateurs des prêteurs multilatéraux.

La perspective de réductions importantes des dépenses, y compris pour le secteur public tentaculaire du pays, a suscité régulièrement des critiques et des menaces de grève de la part de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), le plus grand syndicat dans le pays. L’organisation a accueilli avec prudence les remarques de Saïed, l’exhortant à suivre ses paroles par des actes.

Ennahdha, qui est le plus grand parti d’opposition de Tunisie et qui comprend des islamistes modérés, a averti que le «refus de Saïed de négocier avec le FMI sans offrir d’alternatives pourrait précipiter le chaos» et conduire à l’effondrement du pays.

Le FMI achète du temps

Dans sa déclaration surprise, le FMI veut atteindre trois objectifs:

1 – démonter publiquement qu’il est une institution internationale responsable et qu’elle n’est pas sensible aux déclarations intempestives et sautes d’humeur des leaders des pays bénéficiaires de son aide;

2- montrer qu’il a entendu les pressions et craintes émises par l’Italie, les États Unis et l’Union européenne au regard des risques d’un effondrement de la Tunisie, et les conséquences migratoires que cela peut avoir sur l’Europe et la région du Mena ;

3- tenter de fermer la porte à tous risques de rapprochement avec les pays du BRICs ou la Chine, le groupe russe Wagner étant bien implanté dans la Libye voisine.

Cela dit, le FMI achète du temps, pour ne pas se faire accuser de non assistance à pays en danger, et dont l’effondrement engendrerait un risque systémique dans les pays voisins.

* Economiste universitaire.

Blog de l’auteur : Economics For Tunisia, E4T.

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.