Tunisie : la nouvelle «bombe» du président Kaïs Saïed

Kaïs Saïed a lancé une nouvelle «bombe» en préconisant l’imposition de taxes supplémentaires aux particuliers qui bénéficient injustement de subventions sur divers produits, opposant aussi un niet définitif à la suppression de ces subventions, réforme pourtant contenue dans le programme du gouvernement et dans ses engagements vis-à-vis des bailleurs de fonds internationaux.

Par Imed Bahri

En suggérant cette nouvelle taxe lors de sa rencontre avec la première ministre Najla Bouden, jeudi 1er juin 2023, au palais de Carthage, le président de la république a suggéré d’entreprendre cette action de manière indépendante, sans se soumettre à des «dictats extérieurs», faisant ainsi allusion à l’une des principales recommandations du Fonds monétaire international (FMI), à savoir la levée progressive des subventions sur les produits de première nécessité, dans le cadre du plan de sauvetage de 1,9 milliard de dollars sollicité par la Tunisie.  

Une nouvelle politique économique

Selon le président, qui aime toujours se référer au passé, une telle approche avait déjà été mise en œuvre en Tunisie dans les années 1940, lorsque le fonds de subvention a été créé, et que l’on peut résumer dans cette formule populiste à souhait: «Prendre aux riches pour donner aux pauvres».

Cette proposition présidentielle en a surpris plus d’un, à commencer par les membres du gouvernement qui vont devoir trouver les moyens de l’appliquer. Et c’est là où le bât blesse.

On sait que ce gouvernement s’est montré jusque-là incapable de mettre en place une base de données des personnes éligibles à l’aide de l’Etat en cas de suppression des subventions, laquelle devait être prête depuis janvier dernier. Comment ce même gouvernement, qui ne sait pas encore comment boucler le budget de l’Etat pour l’exercice en cours et qui considère comme un cauchemar absolu la non-obtention du prêt du FMI, va-t-il s’arranger pour identifier les personnes redevables de la nouvelle taxe que le président voudrait instaurer ? Quel serait le taux de cette taxe et comment sera-t-elle perçue ? L’imposera-t-on sur les gros salaires et, dans ce cas, à partir de quel montant, et combien rapportera-t-elle aux caisses de l’Etat ? Sans parler des incidences d’une telle décision sur l’investissement en général, la question est de savoir si elle sera suffisante pour fonder la nouvelle politique économique que le président Saïed résume en une formule lapidaire : «Compter sur soi-même», sur laquelle il avait insisté lors de sa rencontre, la veille, avec un groupe d’économistes?

Le chef de l’Etat, seul maître à bord

Sur un autre plan, peut-on interpréter les déclarations du président de la république comme un veto définitif opposé aux négociations avec le FMI et un message envoyé aux membres du gouvernement selon lequel ils devraient abandonner définitivement cette piste que le ministre des Affaires étrangères Nabil Ammar évoquait pourtant encore au début de la semaine ? Est-ce lui, d’ailleurs, que le président désignait en tançant les membres du gouvernement qui font encore des déclarations non conformes à la ligne définie par le chef de l’Etat ?

Trop de questions auxquelles on a du mal à trouver des réponses claires. Et l’on se demande d’ailleurs si les membres du gouvernement en savent plus que nous sur cette voie choisie par le président de la république et, surtout, sur les capacités réelles du pays à s’y engager sans dégâts.

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