Pour la troisième nuit consécutive, mardi 4 juillet 2023, Sfax et ses environs ont été le théâtre de tensions et d’affrontements entre riverains et migrants subsahariens qui, à certains moments, ont dégénéré en pogroms dont ces derniers ont fait les frais, dans une atmosphère de terreur généralisée.
Par Imed Bahri
La route de Sfax a été bloquée par des pneus incendiés et une succession de jets de pierres entre groupes rivaux avec des habitants demandant aux autorités l’expulsion des migrants irréguliers de la ville.
Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux présentent des migrants subsahariens harcelés et agressés par des jeunes et des adolescents munis de bâtons et qui semblent fiers de commettre leurs forfaits en arborant les signes de la victoire comme s’ils étaient en guerre.
Ces images ô combien choquantes ne semblent pas avoir choqué beaucoup de Tunisiens qui s’expriment sur les réseaux sociaux et trouvent des justifications à ces actes ignobles, qui font honte au pays et en donnent une image peu reluisante.
La police a dû intervenir pour rétablir l’ordre, a rapporté Thyna FM, la radio privée de Sfax, notant que la tension était déjà montée dans l’après-midi à l’issue des obsèques du Tunisien de 38 ans poignardé à mort la veille par un groupe de trois migrants subsahariens, un drame pour lequel le procureur de Sfax a ordonné la détention provisoire de trois Camerounais tandis qu’un autre est en cavale.
Saïed monte au créneau
Des hauts responsables de la gendarmerie et de la garde nationale tunisienne se sont rendus hier à Sfax, où la présence sécuritaire a été renforcée suite aux affrontements entre habitants et migrants subsahariens.
Une campagne de contrôles a conduit ces derniers jours à l’arrestation de 300 migrants de divers pays d’Afrique subsaharienne dans la région, point de départ d’un grand nombre de migrants illégaux vers l’Italie, où les habitants protestent régulièrement contre la présence de ces derniers dans leur ville et exigent leur éloignement.
Dans les quartiers populaires de Sfax, deuxième ville du pays, où vivent beaucoup de migrants, les violences verbales et physiques entre habitants et migrants sont fréquentes. Une violence qui selon les observateurs s’est accrue après un discours le 21 février du président Kaïs Saïed condamnant l’immigration clandestine et la présentant comme une menace à l’équilibre démographique du pays.
Lors d’une visite hier au siège du ministère de l’Intérieur à Tunis, Saïed a évoqué la situation à Sfax «après l’acte criminel qui s’y est déroulé», lit-on dans un communiqué de la présidence. La Tunisie «n’accepte pas que ceux qui ne respectent pas ses lois résident sur son territoire, ni qu’elle soit un pays de transit (vers l’Europe) ou une terre de réinstallation pour les citoyens de certains pays africains», a-t-il dit.
En effet, la plupart des migrants d’Afrique sub-saharienne arrivent en Tunisie puis tentent de rejoindre l’Europe par la mer, atterrissant clandestinement sur les côtes italiennes. Selon Saïed, derrière l’immigration clandestine se cachent des «réseaux criminels» qui visent à troubler la «paix sociale en Tunisie».
Calmer les esprits
Hier, la police a procédé à des arrestations de migrants en situation irrégulière, dont des femmes et des enfants. Selon certaines sources, les autorités pourraient envisager de renvoyer ces derniers via les frontières d’où ils ont pu entrer en Tunisie.
Selon Romdane Ben Amor, porte-parole du Forum pour les droits économiques et sociaux (FTDES), une ONG qui suit les questions migratoires en Tunisie, la tension actuelle à Sfax était pourtant «attendue» et appelle à un discours «qui calmera les esprits», en déplorant qu’une question humanitaire ait suscité des surenchères politiques, au nord comme au sud de la Méditerranée.
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