Plus d’un mois après le début de la guerre d’Israël contre la bande de Gaza, l’expert en cybersécurité et droit spatial Stefano Mele, associé du cabinet d’avocats Gianni & Origoni, estime, dans l’entretien ci-dessous, que dans son conflit contre Israël, le mouvement Hamas n’a pas eu recours seulement à des techniques de guerre hybrides, mais aussi à des «tactiques asymétriques, multidimensionnelles et indirectes», c’est-à-dire à des cyber-attaques menées par des États alliés comme l’Iran et l’utilisation massive de Telegram comme caisse de résonance.
Quel rôle joue la guerre hybride dans le conflit entre Israël et la bande de Gaza ?
L’offensive du Hamas contre Israël démontre clairement, une fois de plus, à quel point la guerre dite hybride peut avoir un impact important sur un adversaire, soulignant l’efficacité d’une stratégie militaire flexible et capable de combiner, par exemple, la guerre conventionnelle, la guerre irrégulière et la guerre menée à travers des actions d’attaque et de sabotage dans le domaine cybernétique.
De plus, le Hamas n’a pas eu recours à des techniques, tactiques ou doctrines de guerre hybride impensables. Au contraire, il s’est limité à combiner – de manière particulièrement efficace – les tactiques hybrides existantes, afin d’obtenir son avantage stratégique.
En fait, ne disposant pas de chars ni d’avions de combat dans leurs arsenaux, les combattants du Hamas se sont limités à éviter une attaque directe contre les forces de sécurité et de défense israéliennes, optant plutôt pour des moyens et des méthodes indirects. Les effets de ces tactiques asymétriques, multidimensionnelles et indirectes pour obtenir l’effet souhaité sont désormais clairs pour tous. Il est donc crucial de revoir d’urgence les stratégies militaires pour comprendre, gérer et contrer les menaces hybrides et irrégulières qui, comme nous le constatons, sont de plus en plus utilisées et évoluent rapidement.
Quelles sont les actions les plus significatives menées jusqu’à présent dans le domaine cyber et que peut-on attendre pour l’avenir ?
L’exploitation du domaine cyber par le Hamas au cours de ce premier mois de conflit n’a pas atteint – et n’atteindra peut-être jamais – un niveau de sophistication égal à ce que l’on peut observer, par exemple, dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Les raisons sont nombreuses : en premier lieu, la grande préparation d’Israël dans ce secteur et en même temps les faibles capacités du Hamas.
On peut cependant noter quelques cyber-opérations notables de la part de certains acteurs étatiques, comme par exemple l’Iran et un grand nombre de cyber-attaques de niveau moyen à bas par des acteurs tiers appartenant à la galaxie hacktiviste pro-palestinienne, pro-iranienne et pro-libanaise.
Il ne faut cependant pas sous-estimer certaines cyber-attaques récentes contre des infrastructures critiques israéliennes qui, bien que revendiquées par des groupes hacktivistes, en raison de leurs capacités opérationnelles et de leurs effets, pourraient laisser soupçonner qu’elles ont été parrainées par un ou plusieurs États.
Quoi qu’il en soit, il apparaît clairement que, du moins jusqu’à présent, le gouvernement iranien a exploité le domaine cybernétique de manière beaucoup plus opportuniste que stratégique, tendant en outre à exagérer considérablement le succès et les effets réels de ses cyber-attaques contre Israël, grâce à une utilisation bien intégrée des opérations d’information basées essentiellement sur des activités de propagande et de désinformation en ligne.
Quel rôle joue la désinformation dans cette guerre hybride et par quels moyens est-elle menée ?
Les activités de propagande et de désinformation jouent désormais un rôle de plus en plus central dans les conflits. L’actuel conflit entre le Hamas et Israël ne fait évidemment pas exception. De plus, depuis 2006, le Hamas s’appuie fortement sur les médias traditionnels – et en particulier sur la télévision Al-Aqsa – pour rendre régulièrement public les actions de sa branche militaire, les Brigades Izz Al-Din Al-Qassam.
En outre, alors que l’utilisation inestimable des médias sociaux pour les opérations de propagande et de désinformation se manifeste clairement à la suite de la révolte du Printemps arabe de 2011, le Hamas et ses médias affiliés ont également pris pied sur tous les principaux acteurs en ligne. Tout au long de l’année 2017, l’organisation a vu se réduire sa capacité à exploiter ses principaux médias sociaux (en particulier sur Facebook, Twitter et Instagram), grâce à la persistance de la dénonciation de la part d’Israël pour faire supprimer les comptes du Hamas et les positions propalestiniennes en général, sous prétexte d’incitation au terrorisme et à la violence.
Cette situation a poussé le Hamas à rechercher de nouveaux canaux de communication de son propre message, notamment Telegram.
Selon les dernières analyses, les chaînes Telegram officielles du Hamas et de la Brigade Al-Qassam ont annoncé une augmentation considérable de leurs activités du début de l’attaque contre Israël : d’environ 41 000 attaques (le 6 octobre) à environ 120 000 attaques (le 11 octobre) par le canal officiel du Hamas, et d’environ 200 000 écritures (le 6 octobre) à environ 580 000 écritures (le 11 octobre) par la direction de la Brigade Al-Qassam. Ce résultat a poussé le PDG de Telegram Pavel Durov à décider, dès le début du mois de novembre, de restreindre l’accès à ces canaux à tous les utilisateurs possédant une version de l’application téléchargée de Google Play ou Apple Store.
Traduit de l’italien.
Source : Ansamed.
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