En s’attaquant aux médecins palestiniens dans l’exercice de leurs fonctions dans un hôpital de Gaza, les Israéliens et les «nettoyeurs» occidentaux de leurs crimes contre l’humanité ont-ils voulu démontrer que la cause sioniste primait toute autre considération, y compris le droit humanitaire ? (Illustration : des soldats israéliens pénètrent à l’hôpital Al-Shifa à Gaza).
Par Dr Mounir Hanablia *
Il y a une vingtaine d’années, un collègue notoirement incompétent, fort de ses amitiés politiques et imbu de sa personne, m’avait agressé dans une salle de cathétérisme pendant l’acte opératoire que je réalisais, dans une clinique, parce qu’il y avait trouvé l’opportunité d’épancher la rancune qu’il me vouait, depuis sa peu glorieuse retraite dans des locaux privés et septiques pour se soustraire à la vue d’inspecteurs de la santé publique. J’avais alors comparé son comportement à celui bien connu de l’armée israélienne dans des territoires occupés. Je n’aurais pas cru si bien dire.
La soldatesque dans la salle d’opération
Récemment on a vu comment l’hôpital Al-Chifa de Gaza a été envahi par la soldatesque israélienne, à la recherche d’otages, de terroristes, de tunnels, pénétrant armés dans les blocs opératoires stériles et les unités de réanimation, dans les services d’imagerie médicale disposant de magnifiques scanners et IRM, cassant tout sur leur passage, même les respirateurs artificiels, agressant le personnel médical et paramédical, et finissant par en détruire aux explosifs la totalité de la structure, qui aurait abrité, selon ses chefs, des tunnels souterrains, des caches d’armes, et des cellules. Mais on a depuis longtemps appris comment l’Etat israélien procédait, en faisant commettre par son armée des actions interdites par les lois internationales, puis une fois celles-ci réalisées, en lâchant sa horde de nettoyeurs chargée de justifier l’injustifiable, en usant de tous les subterfuges et tous les mensonges, afin de convaincre de son bien-fondé.
Dernièrement, les nettoyeurs sionistes après la diffusion par l’armée israélienne de courts extraits de films d’otages introduits dans l’hôpital Al-Chifa de Gaza ont accusé les médecins, les infirmiers, et le personnel de complicité avec les terroristes.
Abstraction faite de l’éventualité du transport d’otages à l’hôpital pour des soins, éventualité tout à fait envisageable, c’est oublier un peu vite que les médecins sont tenus de respecter le serment d’Hippocrate qui leur interdit de révéler ce dont ils ont eu connaissance au cours de l’exercice professionnel, et le personnel, ordre hiérarchique oblige, ne peut que les suivre. Qui plus est, même les lois anti-terroristes introduites dans les législations d’un grand nombre de pays les dispensent de cette obligation à laquelle sont soumis les citoyens normaux. Il y va de la confiance que tout médecin est ténu d’établir avec son patient, et sans laquelle aucun exercice professionnel n’est possible.
Il y a quelques années, des esprits malveillants m’avaient accusé de défendre l’homosexualité, et même, selon les plus pervers, d’être homosexuel, parce que j’avais pris position contre la pratique du toucher rectal judiciaire. Ma femme pourra attester du caractère fantaisiste de ces accusations, mais là n’est pas la question.
En revanche, j’espère que mes collègues s’apercevront que le secret médical est un et indivisible. On ne peut pas défendre la liberté de la profession à Gaza, tout en collaborant aux violations des droits individuels à Tunis ou ailleurs, et certains parmi nous devraient comprendre que les méthodes dignes de petits voyous dont ils usent contre leurs concurrents peuvent se retourner contre eux s’il leur est indifférent qu’elles soient indignes de leur profession.
Le pouvoir du médecin
D’autre part, les sionistes savent très bien que le pouvoir du médecin est supérieur à toute autre considération, et qu’aucune armée aussi puissante soit-elle ne peut l’ignorer. Israël commence d’ailleurs à subir le contrecoup de sa politique criminelle en se trouvant dans l’obligation de négocier avec ceux qu’elle s’est juré d’abattre, malgré le déséquilibre des forces en présence et le soutien américain inconditionnel.
Néanmoins, en s’attaquant aux médecins dans l’exercice de leurs fonctions, les nettoyeurs ont voulu démontrer que la cause sioniste primait toute autre considération, y compris le droit humanitaire. Ces attaques ont d’ailleurs rapidement cessé dès lors que les arguments valables leur ont été opposés. Les médecins comme à Gaza peuvent mourir ou être blessés. Il n’en demeure pas moins qu’ils doivent sauvegarder l’immense pouvoir dont ils disposent, et qu’aucune force ne peut briser, celui de soulager les malades, et quand c’est possible, de les guérir.
* Médecin de libre pratique.
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