Si c’étaient les Israéliens qui avaient vécu et subi ce que les Palestiniens subissent depuis plus de 100 jours à Gaza, les Occidentaux auraient-ils fermé les yeux et auraient-ils refusé de qualifier ces actes de génocide?
Par Imed Bahri
«Ce que nous voyons chaque jour à Gaza est déchirant et la souffrance que nous constatons chez des hommes, des femmes et des enfants innocents me fait saigner le cœur», ces propos sont celles du secrétaire d’État américain Anthony Blinken lors du Forum économique mondial de Davos en Suisse dans une discussion avec l’éditorialiste du New York Times Thomas Friedman sur la situation actuelle à Gaza. Des propos prouvent que le chef de la diplomatie américaine est au courant de toutes les atrocités israéliennes à Gaza toutefois, M. Blinken et l’administration Biden continuent de refuser le cessez-le-feu… pour ne pas offrir une victoire du Hamas !
Les Américains essayent toujours de justifier leur position par le fait qu’Israël doit vivre en sécurité et que tant que la menace militaire du Hamas persiste, il ne peut y avoir de sécurité pour Israël.
Les États-Unis refusent également catégoriquement les accusations de génocide contre Israël. Pour Washington, «les allégations de l’Afrique du Sud sont dénuées de véracité et les accusations de génocide contre Israël n’ont aucun fondement. Israël a le droit et la responsabilité de se défendre et nous continuerons de nous assurer qu’elle puisse continuer à le faire», c’est par ces mots que la Maison-Blanche avait réagi aux accusations de génocide que l’Afrique du Sud avait portées devant la Cour internationale de justice (CIJ) contre Israël.
Dans le même registre, lors de la séance de questions au gouvernement au Palais Bourbon, siège de l’Assemblée nationale française, mercredi 17 janvier 2024, le tout nouveau ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a répondu à une question de Danièle Obono, députée de La France insoumise (LFI), lui demandant pourquoi la France s’était refusée à soutenir les accusations de génocide contre le peuple palestinien dans la bande de Gaza portées par l’Afrique du Sud contre Israël devant la CIJ. «Accuser l’État juif de génocide, c’est franchir un seuil moral. On ne peut exploiter la notion de génocide à des fins politiques. Nous disons fermement aux Israéliens que le respect du droit s’impose à tous, les frappes systématiques à Gaza doivent cesser mais les mots ont un sens», a-t-il répondu. Une réponse pleine de paradoxes au point qu’elle perd tout sens. Le «en même temps» macronien dans toute sa splendeur! Ou plutôt dans toute sa démagogie!
Traitement de faveur accordé aux Israéliens
Tout d’abord, M. Séjourné doit savoir que les violations du droit international et du droit en général sont constatées selon les faits et non pas selon l’identité de leur auteur et sa religion. Déclarer: «Accuser l’État juif de génocide, c’est franchir un seuil moral» est complètement ridicule, relève de l’insulte à l’intelligence de l’opinion publique internationale et est une immunité absolue accordée à Israël. Comme si un État dirigé par des Juifs serait d’office au-dessus de tout soupçon et serait incapable de commettre un génocide alors qu’un État dirigé par des personnes ayant une autre religion pourrait commettre un génocide. Ce traitement de faveur accordé aux Israéliens est aberrant!
Ensuite, pourquoi parler d’Israël en disant l’État juif? C’est une manière pernicieuse pour ensuite accuser d’antisémitisme quiconque critique cette entité. Pourquoi toujours lier Israël au judaïsme si ce n’est pour l’immuniser de toute critique?
Israël est une création du mouvement sioniste en 1948 et le mouvement sioniste est lui-même un mouvement né à la fin du XIXe siècle alors que le judaïsme existe depuis des millénaires. De plus beaucoup de Juifs s’opposent catégoriquement au sionisme et sont même contre l’existence d’Israël considérant que son existence est une violation et un dévoiement des préceptes du judaïsme.
Le réflexe pavlovien très vicieux des sionistes et de leurs alliés occidentaux de lier Israël et judaïsme n’a qu’un seul objectif : museler toute critique à l’endroit de cette entité génocidaire.
Il convient, également, de rappeler à M. Séjourné la définition du génocide, qui est un crime consistant en l’élimination concrète intentionnelle, totale ou partielle, d’un groupe national, ethnique ou encore religieux, en tant que tel, ce qui veut dire que des membres du groupe sont tués, brisés mentalement et physiquement, ou rendus incapables de procréer, en vue de rendre difficile ou impossible la vie du groupe ainsi réduit.
C’est exactement ce qui se passe à Gaza. Plus de 24 000 Palestiniens tués par l’armée israélienne sans parler de ceux qui sont encore sous les décombres et dont les corps n’ont pas pu être extraits, des familles entières décimées, des milliers de tonnes de bombes largués sauvagement sur les bâtiments où vivent les civils, plus de 61 000 blessés, des exécutions sommaires, des exactions et les humiliations que fait endurer l’armée israélienne aux populations civiles de Gaza, une génération d’orphelins et d’enfants amputés et beaucoup sont à la fois orphelins et amputés, 1,9 million de déplacés, un territoire complètement rasé, les survivants en proie à la misère, la famine, la soif et les épidémies.
Les champions du monde du soutien au sionisme
Tout ce tableau macabre ne suffit-il pas à M. Séjourné et aux responsables occidentaux pour reconnaître qu’Israël perpètre un génocide à Gaza? Que faut-il encore que les Palestiniens subissent pour que les Occidentaux se réveillent et cessent leur mauvaise foi?
Si c’étaient les Israéliens qui avaient vécu et subi ce que les Palestiniens subissent depuis plus de 100 jours à Gaza, les Occidentaux auraient-ils fermé les yeux et auraient-ils refusé de qualifier ces actes comme un génocide? M. Séjourné aurait-il dit à ce moment-là: «Accuser un État musulman de génocide, c’est franchir un seuil moral. Les mots ont un sens»?
Quant au gouvernement allemand, il n’est pas du tout en reste, loin s’en faut. Il a également rejeté l’accusation de génocide portée contre Israël, l’a considérée sans fondement, y a vu un risque d’une instrumentalisation politique du droit; et comme si tout cela ne suffisait pas, il s’est constitué comme tierce partie dans le procès devant la CIJ pour soutenir Israël.
D’ailleurs, il y a quelques semaines, l’ambassadeur israélien à Berlin a déclaré que l’Allemagne est devenue le deuxième partenaire le plus important de son pays après les États-Unis. Il faut dire que ce titre de vice-champion du monde du soutien au sionisme et à Israël, les autorités allemandes n’ont épargné aucun effort pour l’arracher!
Le refus catégorique occidental de condamner les crimes israéliens et de leur donner une qualification juridique surtout celle de génocide tout en usant et abusant de faux-prétextes ou en avançant des propos ridicules comme ceux de M. Séjourné accorde une immunité à Israël pour poursuivre son génocide tout en se sentant protégé par l’impunité. La dangereuse immunité occidentale accordée à Israël est une complicité dans le génocide qui se poursuit depuis plus de 100 jours à Gaza.
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