Dans cette «Lettre ouverte au Président de la République sur le droit à la dignité animale», l’auteure dénonce la pratique de l’abattage des chiens errants en Tunisie et rappelle à ses compatriotes le droit à la dignité animale, souvent bafouée. (Illustration: manifestation à Tunis le 2 février 2024 pour dénoncer l’abattage des chiens errants en Tunisie).
Par Sayma Bachrouch *
Monsieur le Président de la République,
Je vous écris aujourd’hui avec un cœur lourd et désespéré, animée par l’horreur et le chagrin face au sort des animaux errants de notre pays. Chaque jour, dans nos rues, des créatures innocentes errent, affamées, blessées et abandonnées à leur triste sort.
Nous sommes témoins de leur souffrance, de leur lutte pour survivre dans un monde qui les rejette trop souvent. Les images de chiens errants et de chats affamés cherchant désespérément de la nourriture hantent nos pensées et brisent nos cœurs.
Nous sommes profondément préoccupés par la pratique de l’abattage des chiens dans notre pays. Cette pratique inhumaine est non seulement cruelle envers les animaux, mais elle est également contraire aux principes fondamentaux de compassion et de respect envers toutes les formes de vie.
Il est impératif de reconnaître que les chiens et les chats sont des êtres sensibles capables de ressentir la douleur et la peur, et ils méritent d’être traités avec dignité et compassion.
L’abattage des chiens, souvent effectué de manière brutale et inhumaine, est une violation flagrante de leurs droits les plus élémentaires.
Dans l’islam, il nous est enseigné de traiter les animaux avec compassion et respect. La maltraitance animale est découragée et considérée comme contraire à ses principes. Le Coran interdit la cruauté envers les animaux et encourage leur traitement avec humanité.
Les musulmans sont encouragés à fournir de la nourriture, de l’eau et un abri aux animaux, et à les traiter avec gentillesse et miséricorde. Même l’abattage rituel des animaux, considéré comme halal (licite), comporte des directives strictes pour assurer un traitement humain et respectueux de l’animal.
Notre Prophète Mohamed ﷺ lui-même a montré de la bienveillance envers les animaux et a encouragé ses adeptes à faire de même. A ce propos, Saydna Mohamed ﷺ dit : «Un homme, qui cheminait sur une route et souffrait d’une soif ardente, trouva un puits. Il descendit dans ce puits et y but. Quand il remonta, il vit un chien tout haletant de soif qui mâchait la terre (humide). Cet animal, se dit l’homme, souffre de soif autant que j’en souffrais moi-même. Alors, descendant dans le puits, il remplit sa bottine d’eau et en abreuva le chien. Allah le récompensa pour son acte et lui pardonna ses fautes.
– Ô Envoyé d’Allah, s’écrièrent les assistants, aurons-nous une récompense pour ce que nous ferons pour les animaux ?
– Il y a une récompense, répondit-il, pour le bien fait à tout être doué d’un cœur sensible.» (Hadith d’Al-Boukhary d’après Abou Hourayra).
En Tunisie, les lois sur les animaux domestiques sont principalement régies par le Code de protection des animaux, qui a été promulgué en 1991 et révisé en 2015. Ce code vise à protéger le bien-être des animaux domestiques et à prévenir la cruauté envers eux :
– en interdisant toute forme de cruauté envers les animaux domestiques et en prévoyant des sanctions pour ceux qui les maltraitent;
– en exigeant les soins et de la protection : les propriétaires d’animaux domestiques sont tenus de fournir des soins appropriés, y compris de la nourriture, de l’eau, un abri adéquat et des soins vétérinaires si nécessaire;
– en réglementant l’élevage et le commerce : le code réglemente l’élevage et le commerce des animaux domestiques afin de garantir des conditions de vie dignes pour les animaux et d’éviter la propagation de maladies;
– en contrôlant la population animale : le code peut également inclure des dispositions sur le contrôle de la population animale, telles que la stérilisation et la réglementation de la reproduction des animaux domestiques.
A ce titre, il est à noter que l’application effective de ces lois peut varier en fonction de divers facteurs, notamment les ressources disponibles, les pratiques culturelles et les attitudes personnelles envers les animaux domestique.
Malheureusement, il m’a été difficile de trouver des rapports officiels spécifiques sur la maltraitance des animaux domestiques en Tunisie, car ce problème peut parfois être sous-documenté ou peu prioritaire par rapport à d’autres préoccupations. Cependant, les témoignages audio-visuels des organisations locales de protection des animaux, telles que les «refuges pour animaux» ou les «groupes de défense des droits des animaux», sur la situation de la maltraitance animale en Tunisie fusent sur les réseaux sociaux ces temps-ci.
Ces sources peuvent fournir des informations précieuses sur les tendances, les défis et les besoins en matière de protection des animaux domestiques dans notre pays.
Nous ne pouvons plus rester silencieux face à cette injustice. Il est de notre devoir moral, en tant qu’humains, de protéger et de défendre les plus vulnérables parmi nous, et cela inclut nos compagnons animaux.
Nous appelons à l’action de nos dirigeants et des instances officielles pour mettre en place des mesures concrètes visant à résoudre cette crise des animaux errants. Pour ce faire, il incombe d’œuvrer au :
– renforcement de la législation en adoptant et en appliquant des lois plus strictes contre la cruauté envers les animaux, y compris des sanctions plus sévères pour dissuader les actes de maltraitance;
– lancement de programmes de stérilisation et de castration accessibles à tous;
– soutien aux refuges pour animaux locaux par un apport financier et logistique pour leur permettre de prendre en charge les animaux abandonnés, maltraités ou en détresse;
– coopération avec des organisations internationales de protection des animaux pour bénéficier de leur expertise et de leurs ressources et pour renforcer les initiatives de protection des animaux en Tunisie;
– sensibilisation du public sur l’importance du bien-être animal et les conséquences de la maltraitance animale à travers des campagnes médiatiques, des programmes éducatifs dans les écoles et des événements communautaires.
Ensemble et unis, nous pouvons changer le cours de cette tragédie. Nous pouvons offrir un espoir et une vie meilleure à ces créatures qui partagent notre territoire tant sur le plan physique que moral.
En conclusion, monsieur le Président de la République, j’espère avec beaucoup de conviction que des mesures immédiates et significatives seront prises pour mettre fin à la souffrance et à l’abattage des animaux errants de notre pays. Nous devons montrer au monde que la Tunisie est une nation respectueuse de la dignité animale et de la loi.
Entière confiance.
* Universitaire.
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