Israël, soutenu en cela par les Etats-Unis, voudrait faire dissoudre l’UNRWA pour rendre la vie des Palestiniens impossible ce qui conduirait à la concrétisation de leur objectif ultime, le déplacement forcé des populations civiles palestiniennes pour leur spolier ce qui reste de leur terre.
Par Latif Belhedi
Le journal britannique The Guardian a révélé qu’Israël vient de soumettre une demande aux Nations Unies visant à dissoudre l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) à un moment où les responsables chargés de l’aide humanitaire avertissent que le transfert des pouvoirs de l’UNRWA à une autre agence affiliée aux Nations Unies serait désastreux surtout dans le contexte de famine qui prend de l’ampleur dans la bande de Gaza. Cette démarche vient après les allégations israéliennes non fondées accusant des employés de l’agence d’avoir participé à l’opération Déluge d’Al-Aqsa, mensonges qui ont conduit à la suspension de son financement par plusieurs pays. Nous sommes face à un meurtre avec préméditation de l’UNRWA.
«Israël a proposé à l’Onu de démanteler l’UNRWA, son agence humanitaire dans les territoires palestiniens, et de transférer son personnel vers une agence de remplacement chargée d’effectuer des livraisons alimentaires à grande échelle à Gaza», selon des sources de l’Onu.
La proposition a été présentée la semaine dernière par le chef d’état-major israélien Herzi Halevi aux responsables de l’Onu en Israël qui l’ont transmise samedi au secrétaire général de l’organisation, António Guterres, ont indiqué des sources proches des discussions.
«L’UNRWA n’a pas été impliquée dans les pourparlers car l’armée israélienne refuse de négocier avec l’agence onusienne sur la base d’allégations jusqu’à présent non prouvées d’affiliation de certains membres du personnel de l’agence au Hamas ou au Jihad islamique», écrit le quotidien londonien.
Un tir groupé contre l’agence onusienne
Israël insiste sur le fait qu’il est prêt à autoriser l’arrivée de grandes quantités d’aide à Gaza et que le facteur limitant est la capacité de l’Onu or sa décision de ne pas coopérer avec l’UNRWA affecte gravement cette capacité.
Selon les conditions présentées la semaine dernière, 300 à 400 employés de l’UNRWA seraient dans un premier temps transférés soit vers une autre agence de l’Onu comme le Programme alimentaire mondial (PAM) soit vers une nouvelle organisation spécialement créée pour distribuer l’aide alimentaire à Gaza. Davantage d’employés de l’UNRWA pourraient être transférés ultérieurement et les actifs de l’agence seraient également transférés. Les détails étaient vagues sur qui dirigerait une nouvelle agence dans le cadre de ce projet, ou sur qui assurerait la sécurité de ses livraisons.
L’UNRWA qui soutient les territoires palestiniens depuis 1950 a été exclue des discussions sur son avenir bien qu’elle soit le plus grand acteur humanitaire sur le territoire. «L’UNRWA n’a pas été systématiquement au courant des conversations liées à la coordination de l’aide humanitaire à Gaza», a déclaré la directrice des relations extérieures de l’organisation, Tamara Al-Rifaï. «Si nous permettons cela, nous nous retrouverons sur une pente glissante en étant entièrement gérés directement par les Israéliens et en étant directement complices de l’Onu dans l’affaiblissement de l’UNRWA qui est non seulement le plus grand fournisseur d’aide mais aussi le plus grand bastion de la lutte contre l’extrémisme à Gaza», a déclaré un responsable de l’Onu. «Nous participerions à de nombreux agendas politiques si nous permettions que cela se produise», a-t-il ajouté.
Le bureau de Guterres et l’armée israélienne n’ont pas répondu aux demandes de commentaires, précise The Guardian.
Une agence irremplaçable
Al-Rifaï a déclaré que la petite taille de la nouvelle entité de distribution d’aide proposée entraverait sa capacité à fournir efficacement de l’aide à Gaza à un moment où les besoins sont les plus grands. «Ce n’est pas une critique du PAM mais logiquement s’ils commençaient la distribution de nourriture à Gaza demain, ils utiliseraient des camions de l’UNRWA et apporteraient de la nourriture dans les entrepôts de l’UNRWA puis distribueraient de la nourriture dans ou autour des abris de l’UNRWA», a-t-elle déclaré.
De ce fait Mme Al-Rifaï considère «qu’ils auront donc besoin au minimum de la même infrastructure que la nôtre, y compris en termes de ressources humaines.»
L’UNRWA est de loin la plus grande organisation humanitaire à Gaza employant 13000 personnes rien que dans ce territoire au moment où la guerre a éclaté, dont 3 000 accomplissent toujours leur travail ainsi que des dizaines de milliers d’autres en Cisjordanie et ailleurs au Moyen-Orient.
En plus de distribuer de la nourriture, l’agence est un employeur majeur à Gaza fournissant des services d’enseignement et des services médicaux essentiels alors que les soins de santé dans l’enclave s’effondrent. «Ce n’est pas seulement de la nourriture. Nous disposons désormais de sept centres de santé à Gaza, nous effectuons 23000 consultations chaque jour et nous avons administré 53000 vaccins depuis le début de la guerre. Il s’agit donc en soi d’un domaine complet qu’aucune autre agence ne peut actuellement offrir», a déclaré Al-Rifai. Et d’ajouter : «C’est formidable que nous nous concentrions sur la nourriture en raison de la famine et que nous tirions la sonnette d’alarme sur la malnutrition mais l’UNRWA est bien plus qu’une simple distribution de nourriture.»
«Israël a affirmé que jusqu’à 11% des employés de l’UNRWA sont affiliés au Hamas ou au Jihad islamique et qu’une trentaine d’entre eux ont pris part à l’attaque du 7 octobre contre Israël, au cours de laquelle 1 200 personnes ont été tuées. Israël n’a pas encore fourni de preuves pour étayer ces allégations qui ont conduit à la suspension d’un financement de 450 millions de dollars par 16 principaux donateurs à un moment où les 2,3 millions d’habitants de Gaza glissaient vers la famine», écrit The Guardian.
Les Nations Unies ont annoncé deux enquêtes: la première concerne les allégations d’Israël qui n’a pas fait preuve de coopération et n’a fourni aucune preuve de ses affirmations. La deuxième enquête est dirigée par l’ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna et est soutenue par trois centres de recherche en Europe du Nord pour examiner l’intégrité de l’agence. Colonna a soumis un rapport intérimaire le 20 mars dans lequel elle a déclaré que l’UNRWA avait mis en place «des mécanismes et des procédures importants» pour garantir sa neutralité mais que des domaines critiques devaient encore être abordés.
Un meurtre avec préméditation
Le journal britannique affirme que «dans les coulisses des Nations Unies, les États-Unis ont soutenu les efforts israéliens visant à démanteler les missions de l’UNRWA mais que ces efforts se sont heurtés à la résistance des pays donateurs et de Guterres, qui leur a apporté son plein soutien, selon des diplomates».
Ceci n’est pas du tout étonnant de la part dans l’administration Biden car son projet de port flottant au large de Gaza est le dernier clou dans le cercueil de l’UNRWA comme nous l’avons écrit dans Kapitalis le 12 mars dernier. Autre preuve et non des moindres, Joe Biden a ratifié le programme de dépenses approuvé par le Congrès devenu une loi contraignante qui comprend une clause interdisant de financer l’UNRWA jusqu’en mars 2025.
C’est clair comme l’eau de roche, nous sommes face à un meurtre avec préméditation de l’agence onusienne par Israël aidé par les États-Unis. Tout est fait pour liquider l’UNRWA qui, comme l’a expliqué Tamara Al-Rifaï au Guardian, ne peut être remplacée par aucune autre entité ou structure et c’est pour cela qu’Israël veut s’en débarrasser le plutôt possible car toute autre entité la remplaçant ne pourra pas répondre aux besoins des Palestiniens et par conséquent la vie deviendrait impossible ce qui conduirait à la concrétisation de l’objectif ultime des Israéliens, le déplacement forcé des populations civiles palestiniennes pour leur spolier ce qui reste de leur terre.
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