Le fiasco du port flottant de Biden à Gaza

Le projet de port flottant au large de Gaza que Joe Biden avait présenté comme la solution pour faire parvenir l’aide humanitaire pour les habitants de Gaza soumis à l’occupation génocidaire d’Israël, s’est avéré une catastrophe pour eux. Non seulement ce «projet» pernicieux qui est en réalité une idée soufflée par Benjamin Netanyahu visait à accélérer la destruction de l’UNRWA pour tenter de s’y substituer mais il confirme jour après jour son inefficacité et pire ses sérieuses failles opérationnelles. Un véritable fiasco. (Ph. US Army Central/Reuters).

Imed Bahri

Julian Borger, correspondant du journal britannique The Guardian à Washington, a affirmé que l’avenir du port flottant que les États-Unis ont construit au large de Gaza était en question et que c’était une erreur de calcul de la part des responsables américains car le projet qui a coûté 230 millions de dollars n’a pas pu résister aux conditions maritimes difficiles et ne peut pas fournir les aides humanitaires à ceux qui en ont besoin dans la bande de Gaza en raison de l’absence de conditions de sécurité. 

Son avenir est donc remis en question car il n’a été utilisé que pendant 12 jours depuis sa mise en service le 17 mai. Pendant cette période d’opération, l’aide a été jetée sur la plage car il n’y avait pas de camions pour la distribuer aux entrepôts de la bande de Gaza en raison du manque de sécurité.

Le projet n’a pas répondu aux attentes et lorsque le président Biden l’a annoncé dans son discours sur l’état de l’Union qu’il a prononcé le 7 mars, il avait déclaré que le quai flottant «entraînera une augmentation très importante du volume de l’aide humanitaire entrant à Gaza chaque jour». Or, il n’en fut rien…

Un «machin» couteux, inutile et bientôt démantelé  

La construction de la jetée a pris deux mois car elle était installée à des kilomètres de la côte de Gaza. Environ 1000 soldats américains ont travaillé à sa construction ainsi qu’au navire de la marine américaine le Cardican B qui servait de logement aux soldats.

Pendant la courte période d’exploitation du quai, seuls 250 camions d’aide humanitaire (4100 tonnes) ont été transportés à Gaza, arrivés par le couloir maritime, soit la moitié de ce qui arrive par voie terrestre à Gaza en une journée. Les aides arrivées sont restés bloqués au bout du couloir dans la zone de l’organisation implantée sur la plage. Depuis que 274 Palestiniens ont été tués lors d’une opération israélienne visant à libérer quatre détenus israélien dans le camp de Nuseirat, le Programme alimentaire mondial (Pam) a décidé de suspendre ses opérations dans la bande de Gaza où ses camions étaient censés transporter la nourriture depuis la zone de l’organisation et les acheminer par camions vers les zones de Gaza. Le programme indique que l’examen de la situation sécuritaire est en cours.

Les conditions maritimes ont également contribué à gêner les travaux de la jetée car les conditions dans la zone de la Méditerranée orientale n’étaient pas aussi calmes que prévu.

Le Pentagone a appelé la jetée flottante Joint Logistics Across the Shore (Glotus) car elle a été conçue pour résister aux conditions de mer de classe III qui définissent des niveaux de vagues compris entre 0,5 et 1,25 mètres. Les concepteurs espéraient que la mer resterait calme entre le printemps et l’été jusqu’au début du mois de septembre mais la jetée a subi de graves dommages le 25 mai, car les vagues étaient inhabituellement agitées.

Après avoir été réparé dans le port d’Ashdod, en Israël, le quai flottant a été remis à sa place et a commencé ses activités le 8 juin mais il a fonctionné pendant une seule journée avant que les opérations ne soient suspendues pendant deux jours supplémentaires.

Le 14 juin, le quai a été démantelé et de nouveau expédié au port d’Ashdod par mesure de précaution contre les vagues tumultueuses. Il a été restitué à nouveau vendredi 21 juin et a été utilisé depuis lors pour charger 4160 tonnes. Cependant, des rapports indiquent la possibilité de le démanteler le mois prochain, en raison de son incapacité à résister aux conditions turbulentes en mer.

«Ils ont mal évalué», a commenté Stephen Morrison, directeur adjoint du Centre d’études stratégiques et internationales. «Ils n’ont pas pleinement compris ce qui allait se passer en termes de météo et le ministère de la Défense a abandonné et a été clairement humilié», ajoute-t-il. 

Le Pentagone a quant lui reconnu les défis auxquels est confronté le quai flottant mais a nié avoir pris la décision de le démanteler avant la date prévue. Son porte-parole, le général Patrick Ryder, a déclaré: «Nous n’avons pas encore décidé de la date définitive de la mission contrairement à ce que rapportent les médias à ce sujet.»

La construction du quai visait à créer un couloir indépendant d’Israël par lequel l’aide humanitaire pourrait entrer dans la bande dévastée et assiégée après que l’administration Biden se soit sentie frustrée par le manque de points de passage suffisants pour que l’aide humanitaire et les secours puissent entrer à Gaza. Les organisations humanitaires impliquées dans la fourniture de l’aide d’urgence ont déclaré que quelque chose vaut mieux que rien mais elles ont exprimé leurs inquiétudes quant à la construction d’une jetée coûteuse dans un contexte de matraquage médiatique qui a détourné l’attention de la pression politique exercée sur Israël pour ouvrir les passages terrestres aux camions ce qui est le moyen le plus efficace de fournir de la nourriture.

Gaza privée d’aide humanitaire à cause du vide sécuritaire

Ziad Issa, directeur de recherche à l’organisation humanitaire britannique ActionAid, a déclaré que le nombre de camions entrant quotidiennement à Gaza était tombé à 100 au cours de la première quinzaine de juin. L’aide n’a pas été distribuée dans la bande de Gaza en raison des conditions de sécurité. Le terminal de Rafah a cessé de fonctionner depuis que l’armée israélienne en a pris le contrôle le 7 mai et les camions ont été détournés vers le poste-frontière de Karam Abu Salem (surnommé Kerem Shalom par les Israéliens), dans le sud de la bande de Gaza mais les routes à partir de là sont restées dangereuses. Issa a déclaré: «Les travailleurs humanitaires et les routes ne sont pas en sécurité en raison des bombardements continus sur Gaza», et a ajouté: «Nous n’avons vu aucun changement depuis l’annonce de la cessation tactique», faisant référence à l’annonce par l’armée israélienne d’une cessation tactique des opérations, dimanche dernier.

L’armée israélienne constitue non seulement une menace pour le processus de distribution de l’aide humanitaire mais les camions sont également soumis aux attaques des groupes de voleurs à main armée qui se sont renforcés au milieu des rues détruites de Gaza. L’UNRWA comptait sur la police palestinienne pour distribuer l’aide mais Israël a ciblé les policiers car ils étaient affiliés au gouvernement du Hamas. En son absence, un vide sécuritaire est apparu.

Israël, en revanche, a refusé de traiter avec l’UNRWA après avoir accusé des employés de l’institution onusienne d’avoir participé à l’opération Déluge d’Al-Aqsa le 7 octobre dernier sans fournir jusque-là la moindre de preuve de l’implication présumée de 12 employés dans les attaques.

Les États-Unis ont convaincu le Programme alimentaire mondial (Pam) de distribuer les produits transportés via le quai. «Ils ont été poussés par les États-Unis à être une façade et un partenaire sur le terrain», a déclaré Morrison avant de poursuivre: «Ils étaient mal à l’aise et hésitants. Ils ne voulaient pas se laisser entraîner dans la folie terrifiante et le manque de sécurité sur le terrain.» Compte tenu des problèmes persistants aux points de passage terrestres, l’administration Biden hésite à abandonner le port flottant considéré comme «un couloir vital pour l’acheminement de l’aide au milieu des besoins croissants de Gaza ainsi que du manque de sécurité qui a rendu très difficile la distribution de l’aide l’aide via Kerem Shalom», selon les dires d’un responsable américain.

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