Les dirigeants du Hamas ont passé des années à élaborer un plan de guerre souterraine. Les documents retrouvés sur le champ de bataille montrent d’une manière précise les préparatifs du groupe palestinien y compris les portes anti-souffles pour se protéger des bombes et des soldats israéliens. Le fait que l’armée israélienne galère toujours face à aux Brigades Ezzeddine Al-Qassam, branche armée du Hamas, et soit dans l’incapacité d’atteindre ses objectifs montre avec quelle méthode et quelle stratégie le mouvement palestinien s’est préparé à cette guerre souterraine et en a fait une priorité depuis des années.
Imed Bahri
Le New York Times affirme avoir examiné des documents du Mouvement de la résistance islamique qui ont été saisis par l’armée israélienne lors de la guerre dans la bande de Gaza. Ces documents montrent la stratégie du Hamas consistant à combattre dans les tunnels.
Le journal américain a indiqué que parmi ces documents figurait «Le manuel 2019 du Hamas sur le combat souterrain» qui décrit de manière méticuleuse comment naviguer dans l’obscurité, se déplacer furtivement sous Gaza et tirer avec des armes automatiques dans des espaces réduits pour atteindre une létalité maximale à tel point que les commandants du champ de bataille ont reçu à la seconde près «combien de temps faut-il à leurs combattants pour se déplacer entre différents points souterrains?»
Les techniques du combat souterrain
Ledit manuel est le résultat d’un effort de plusieurs années du Hamas, bien avant l’opération Déluge d’Al-Aqsa et la guerre actuelle avec Israël devenue une opération militaire souterraine pouvant durer longtemps.
Le journal rapporte qu’un an seulement avant d’attaquer Israël, Yahya Sinwar, chef du mouvement Hamas dans la bande de Gaza, avait accepté de dépenser 225 000 dollars pour installer des portes antidéflagrantes afin de protéger le réseau de tunnels de son mouvement des frappes aériennes et terrestres.
Le document d’approbation indique que les chefs de brigades du Hamas avaient examiné les tunnels sous Gaza et identifié les endroits vitaux sous terre et en surface qui devaient être fortifiés.
Les documents, ainsi que les entretiens avec des experts et des dirigeants israéliens aident à expliquer pourquoi près d’un an après le début de la guerre, Israël a du mal à atteindre son objectif de démanteler le Hamas.
Les responsables israéliens ont passé des années à rechercher et à démanteler les tunnels que le Hamas pouvait utiliser pour infiltrer Israël et lancer une attaque mais un haut responsable israélien a déclaré: «L’évaluation des tunnels de Gaza n’est pas une priorité car une guerre totale y semble improbable».
Dans le même temps, les responsables réalisent désormais que le Hamas se préparait longuement à l’avance à une telle confrontation et les experts affirment que sans les tunnels, le Hamas n’aurait pas eu beaucoup de chance contre l’armée israélienne.
Le manuel de combat souterrain contient des instructions sur la façon de camoufler les entrées des tunnels, de les localiser avec une boussole ou un GPS, d’entrer rapidement et de se déplacer efficacement.
Le document, rédigé en arabe, précise: «Lorsqu’il se déplace dans l’obscurité à l’intérieur du tunnel, le combattant a besoin de lunettes de vision nocturne équipées de rayons infrarouges et les armes doivent être réglées en mode automatique et le tir à l’épaule». Ce genre de tir est efficace car le tunnel est étroit donc les tirs ciblent les zones meurtrières dans le haut du corps humain.
Un réseau de tunnels plus étendu que prévu
Les responsables israéliens savaient avant la guerre que le Hamas disposait d’un vaste réseau de tunnels mais celui-ci s’est avéré plus sophistiqué et plus étendu qu’ils ne le pensaient. Au début de la guerre, ils estimaient qu’il s’étendait sur environ 250 milles et maintenant ils pensent qu’il est deux fois plus long.
Lorsqu’Israël a minimisé l’importance des tunnels, le Hamas s’est préparé à des combats souterrains tendant principalement des embuscades aux soldats israéliens près des entrées des tunnels tout en évitant les affrontements directs. Cette stratégie a permis au Hamas de lancer des attaques éclair au sol, de se cacher des forces israéliennes et de faire exploser des explosifs à l’aide de télécommandes et de caméras cachées. Elle a aussi ralenti les manœuvres de Tsahal, selon des responsables militaires israéliens et l’examen de photos et de vidéos de l’armée israélienne sur le champ de bataille.
Selon des sources officielles, des membres de l’armée israélienne ont découvert un document de guerre dans les tunnels dans le quartier de Zaytoun, dans la ville de Gaza, en novembre, qu’une lettre de Sinwar adressée à un commandant militaire avait été trouvée le même mois au sud de la ville et que les documents ont été fournis au NYT par des responsables militaires israéliens.
Les marquages sur les documents sont cohérents avec d’autres documents du Hamas publiés ou examinés par le NYT et les soldats israéliens ont décrit des détails tels que des entrées de tunnel camouflées et des portes anti-explosion récemment installées qui sont cohérents avec les documents du Hamas. Ces documents décrivent également l’utilisation de détecteurs de gaz et de lunettes de vision nocturne, équipements trouvés par les forces israéliennes à l’intérieur des tunnels.
Tamir Hayman, ancien chef des renseignements militaires israéliens, a déclaré que la stratégie de combat du Hamas repose sur des tactiques secrètes et que c’est l’une des principales raisons pour lesquelles ils ont été capables de résister à l’armée israélienne jusqu’à présent.
Le Hamas possède d’autres tunnels qui sont des centres de commandement et de contrôle avancés ou des artères qui relient les usines d’armes souterraines aux installations de stockage et certains tunnels servent également de centres de communication.
Deux guerres: une en surface et une sous terre
Le journal américain a rapporté que l’hiver dernier, les forces israéliennes ont découvert un système de communication souterrain Nokia. Ces systèmes fournissent des tonalités vocales et des données et pourraient servir de switchboard (interface de supervision qui permet de visualiser, gérer, transférer et mettre en attente les appels entrants depuis son PC) pour un réseau de communication souterrain mais les fonctionnalités nécessitent du matériel supplémentaire et on ne sait pas clairement quelles sont les capacités que possède le Hamas.
Les responsables israéliens affirment que le mouvement palestinien détient des prisonniers israéliens sous terre et que chaque tunnel doit donc faire l’objet d’une enquête et être dégagé, disent-ils.
Daphne Richmond Barak, experte en guerre des tunnels à l’Université Reichman en Israël, a déclaré que les tunnels affectent le rythme des opérations: «Vous ne pouvez pas avancer et vous ne pouvez pas sécuriser le terrain. Vous avez affaire à deux guerres: une en surface et une sous terre.»
Un officier des opérations spéciales israéliennes a déclaré que lorsque les soldats s’approchaient des tunnels, le Hamas faisait parfois sauter les plafonds provoquant des effondrements qui bloquaient l’accès à l’intérieur des tunnels. Cela pourrait prendre environ 10 heures à des dizaines de soldats pour détruire une partie des tunnels, affirme un officier supérieur israélien et expert en guerre des tunnels.
L’année dernière, l’armée israélienne a découvert un tunnel de 250 pieds de profondeur soit la hauteur d’un immeuble de 25 étages et l’armée a déclaré qu’il avait fallu des mois pour le détruire. C’est pourquoi, la destruction de l’ensemble du réseau de tunnels du Hamas pourrait prendre des années a admis un responsable militaire israélien.
L’armée israélienne estime que la construction d’un tunnel rudimentaire d’environ 800 mètres de long coûterait au Hamas environ 300 000 dollars et Richmond Barak a déclaré que la lettre de Sinwar mettait en évidence le coût et la complexité de cet effort.
«Les brigades recevront des fonds en fonction de leur importance et de leurs besoins», écrit Sinwar dans la lettre consultée par le NYT et cette lettre pourrait indiquer où le groupe compte se battre le plus durement. Sinwar a autorisé la plus grande somme d’argent pour des portes de tunnel antidéflagrantes dans le nord de Gaza et à Khan Yunis. En fait, certaines des batailles les plus violentes de la guerre ont eu lieu dans ces régions.
Les portes anti-explosion ferment les sections du tunnel les unes aux autres, tout en le protégeant contre les explosions et les brèches. Elles entravent également l’utilisation de drones par l’armée israélienne pour inspecter et cartographier les tunnels. Celle-ci s’est d’ailleurs heurtée à plusieurs reprises à des portes antidéflagrantes lors de fouilles dans les tunnels.