Il y a des solutions pour éviter l’abattage des chiens et chats errants

On assiste à l’heure actuelle en Tunisie à une campagne insensée d’abattage de chiens et chats errants tous azimuts. Même les chiens bagués n’y échappent pas. Insensée car ce n’est pas en tuant ces animaux que nous allons combattre efficacement la rage.

Samia Ladgham *

Sait-on seulement qu’il n’y a pas que les chiens et les chats qui peuvent transmettre la rage? Il y a les bovins notamment les chèvres et les moutons, le cheval, la chauve-souris et la liste est encore longue qui peuvent être porteurs de la rage.

A-t-on la prétention d’éradiquer toute forme de vie animale en Tunisie? Les vidéos et photos d’animaux abattus ou blessés et les suppliques des gens qui sont témoins de ces abattages sont insupportables à voir. Pis encore, on va jusqu’à abattre des chiens qui ont des maitres sur le seuil de leur porte.

Les auteurs de tels actes ne sont pas sans savoir que ce comportement est sanctionné par le Code pénal qui très clairement stipule que sont passibles de peines de prison et d’amendes ceux qui exercent des mauvais traitements sur des animaux appartenant à des tiers.

La déclaration universelle des droits de l’animal proclame dans son préambule que le respect des animaux par l’homme est inséparable du respect des hommes entre eux.

Cessons le carnage !

Il est impératif que cesse ce carnage car ce n’est pas la solution au problème. Quelle est d’ailleurs l’étendue de ce problème ? S’il n’y a pas de statistiques en ce qui concerne les cas de rage transmis à l’homme, l’on sait que 9 personnes sont mortes de la rage cette année. Ceci aurait pu être évité si des politiques durables de prévention avaient été mises en place. Par comparaison, même si la comparaison n’est toujours bonne à faire quand il s’agit de morts, il y a eu, au 20 juin 2024, selon le dernier rapport de l’Observatoire national de la sécurité routière, 2180 accidents routiers ayant coûté la vie à 480 personnes sans compter les blessés. On ne semble pas s’en alarmer.

Un très bon article de Meriem Khdimallah publié dans La Presse le 20 juin 2021 décrivait déjà le problème et soulignait que les solutions existaient pour contenir la rage et la multiplication des chiens errants à savoir trapper, stériliser, vacciner et relâcher, dite la méthode TNVR. L’incitation à l’adoption est également une option pour réduire la population des chiens et chats errants.

Un certain nombre de centres de stérilisation et vaccination contre la rage ont été créés des 2019 dans plusieurs municipalités. Ces efforts ont porté des fruits au départ mais se sont essoufflés faute de volonté et de moyens. Et nous sommes revenus à la solution de facilité qui cause des souffrances indescriptibles aux animaux, traumatisent ceux qui les aiment et surtout ne résout pas le problème.

Le lancement début septembre par le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche d’une campagne nationale de vaccination contre la rage qui devrait se poursuivre jusqu’à fin octobre est un pas dans la bonne direction mais est-il suffisant en termes de délai ? Qui sont ceux visés par cette campagne ?

En dehors des animaux de compagnie clairement visés par cette campagne, ce qui est déjà positif compte tenu du fait que certains des décès attribués à la rage cette année sont le fait d’animaux de compagnie, et probablement le cheptel, il ne semble pas que les chiens et chats errants soient inclus. Pourtant les centres de vaccination et stérilisation existent, il suffirait de les réactiver avec l’aide de la société civile, les organismes de défense des animaux et en faisant appel au bon cœur des vétérinaires.

Il faut également responsabiliser les propriétaires d’animaux de compagnie pour qu’ils les vaccinent annuellement.

Des pratiques traumatisantes

Par ailleurs, on a mis en place, dans un certain nombre de pays, l’obligation d’enregistrer annuellement les animaux domestiques auprès des municipalités.  Une médaille avec un numéro unique est alors remise au propriétaire et l’animal doit le porter en tout temps. Cela permet sa traçabilité en cas de disparition notamment. L’enregistrement n’est pas gratuit mais s’il est mis en place en Tunisie, l’argent recueilli pourrait servir à stériliser et vacciner les chiens et chats errants.

Les droits et les obligations doivent être encadrés par la loi. Le dépôt récent d’un projet de loi pour la protection animale à l’Assemblée des représentants du peuple par le député Chokri Bahri, dont il faut saluer l’initiative, pourrait si adoptée représenter une avancée majeure et hisser la Tunisie au rang des pays qui ont une telle législation. Mais au-delà des lois qui sont nécessaires et des campagnes ponctuelles, il faut inculquer à l’enfant l’amour et le respect des animaux.

L’image de chiens et chats agonisants sur le bord des trottoirs et le bruit de cartouches tirées chaque nuit ces dernières semaines peuvent traumatiser nos enfants mais également renforcer le sentiment qu’il est normal de maltraiter un animal quel qu’il soit.

La phobie des animaux et du chien en particulier doit être combattue par la connaissance. Chaque espèce animale a un rôle utilitaire à jouer dans la biosphère et la société. Le flair exceptionnel du chien fait de lui un atout précieux pour détecter les explosifs et la drogue et retrouver la trace de personnes disparues. Il est utilisé aussi à des fins thérapeutiques. Les plus connues sont l’assistance aux aveugles, malentendants et handicapés. Les moins connues sont la détection des cancers chez l’être humain ou encore la zoothérapie dans le cadre des troubles de l’enfant ou des personnes âgées. La liste est longue.

Vous l’aurez compris le chien n’est pas seulement un animal de compagnie. C’est un allié indispensable de l’homme. Il faut le protéger à tout prix. 

* Ancienne diplomate et fonctionnaire des Nations unies à la retraite.

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