Serge Halimi, fils de l’avocate et militante Gisèle Halimi, s’est exprimé, dans ‘‘Blast » du 26 septembre 2025, pour dénoncer la récente tribune collective signée par Charlotte Gainsbourg et une vingtaine d’autres personnalités, parmi lesquelles Bernard-Henri Lévy, Alain Minc ou Dominique Reynié. Cette tribune appelait le président Emmanuel Macron à conditionner la reconnaissance d’un État palestinien à la «libération des otages» israéliens retenus à Gaza et au «démantèlement du Hamas».
Pour Serge Halimi, cette position est profondément contraire à l’esprit et aux engagements de sa mère. «J’ai appris plusieurs mois après que Charlotte Gainsbourg avait été choisie pour incarner ma mère lors du procès de Bobigny. Autant dire qu’on ne m’a pas demandé mon avis», écrit-il. Selon lui, la mémoire de Gisèle Halimi a trop souvent été célébrée pour des combats jugés consensuels — droit à l’avortement, abolition de la peine de mort, dépénalisation de l’homosexualité — tandis que ses engagements anti-impérialistes et internationaux ont été largement occultés. La militante s’était également opposée à certains traités européens et avait soutenu des causes internationales courageuses, allant de la Tunisie et l’Algérie à Cuba et au Vietnam, sans jamais transiger sur ses principes.
La tribune signée par Charlotte Gainsbourg et d’autres intellectuels met en lumière ce contraste, souligne Serge Halimi : «Ma mère aurait lu cette tribune avec dégoût». Elle n’a jamais ignoré les crimes de guerre et les violations des droits humains, y compris lorsque ceux-ci étaient qualifiés de génocide par des organisations internationales. Loin des causes consensuelles célébrées dans l’histoire médiatique, Gisèle Halimi s’est illustrée par son courage et sa cohérence, du Tribunal Russell sur la Palestine à la défense de Marwan Barghouti, en passant par sa solidarité constante avec Gaza.
En juillet 2014, dans une lettre publiée par L’Humanité, Gisèle Halimi écrivait : «Un peuple aux mains nues est en train de se faire massacrer. L’histoire jugera, mais n’effacera pas le saccage.» Ces mots, l’une de ses dernières prises de position publiques, illustrent la radicalité et la constance de son engagement politique et humanitaire.
Serge Halimi attire également l’attention sur la différence entre le personnage que Charlotte Gainsbourg incarne au cinéma et ses propres convictions personnelles. «Le jour où le film sur le procès de Bobigny sortira, Charlotte Gainsbourg sera peut-être interrogée sur la différence fondamentale entre le personnage qu’elle interprète et ses propres positions, qui la rangent dans le camp peu honorable des avocats inconditionnels d’Israël», écrit-il.
À travers cette réaction, Serge Halimi rappelle que l’héritage de sa mère ne se limite pas aux combats légaux et sociaux célébrés par l’histoire officielle. Il englobe des engagements courageux et souvent méconnus sur la scène internationale, offrant une occasion rare de revisiter l’ensemble de sa mémoire militante. La polémique autour de la tribune signée par Charlotte Gainsbourg souligne, par contraste, la cohérence, l’intégrité et le souffle éthique de Gisèle Halimi, une militante dont l’histoire dépasse les victoires légales et sociales pour embrasser une vision globale de justice et de solidarité.
Djamal Guettala
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