L’ancien doyen de la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, Yadh Ben Achour, a expliqué que les décrets instituant le Conseil provisoire supérieur de la magistrature, la nouvelle Commission électorale et le référendum du 25 juillet sur la nouvelle constitution sont illégaux, en ce qu’ils s’écartent de la constitution et comportent des défauts majeurs, a-t-il expliqué, lors de l’émission «Jaweb Hamza», sur Mosaïque FM, dimanche 29 mai 2022. Vidéo.
M. Ben Achour, qui a dirigé la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique (Hiror), au lendemain de la révolution de 2011, a souligné que le projet d’Al-Binaa Al-Jadid (nouvelle construction) adopté par le président Kaïs Saïed n’est pas un problème en soi, mais c’est plutôt la manière dont il est mis en œuvre qui pose problème, considérant que le président Saïed avait transgressé la constitution, sur la base de laquelle il avait été élu lui-même et qu’il a invoquée pour justifier la proclamation des mesures exceptionnelles, le 25 juillet dernier, avant de l’abroger plus tard.
«L’acceptation par Sadok Belaid de la présidence d’un organe consultatif dont la tâche est de rédiger une nouvelle constitution est déplacée, et cela m’a déçu, car le référendum est absolument nul et non avenu», a déclaré M. Ben Achour, en précisant qu’il votera au référendum par non.
«J’avertis mes collègues et amis qui participent à cette opération en leur disant ceci : si vous déchirez la constitution du pays, il vient un jour où cela se retournera contre vous. La roue de l’histoire tourne», à lancé le juriste, en poursuivant : «Le fatidique décret présidentiel n°117 du 22 septembre 2021 présente un vice impardonnable car il viole la constitution. C’est comme s’il se mettait au-dessus de la loi fondamentale. Il est nul et rien ne peut en résulter.»
«Le décret instituant la nouvelle commission électorale est lui aussi non valide, car il viole directement les articles 125 et 126 de la constitution, notamment en ce qui concerne les modalités de nomination et d’exemption de ses membres, outre la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la commission. Il est également en contradiction avec des décisions prises par le président lui-même. La constitution exige que les instances électorales soient indépendantes et que le président de la république ne les nomme pas directement», a expliqué M. Ben Achour, en estimant que la consultation nationale électronique devant constituer la base des réformes politiques envisagées par M. Saïed a été un échec, en soulignant que le référendum projeté est nul et contraire à la constitution, et qu’il y a une intention de falsifier ses résultats, selon ses termes.
«Le référendum est une farce légale, et même si le président obtient 90% des voix, il sera invalidé et rien ne pourra en découler», a tranché M. Ben Achour, en avertissant les initiateurs de l’opération : «Si la réponse au référendum est un non catégorique à la nouvelle constitution, nous allons être dans une situation embarrassante et je ne sais pas comment on va s’en sortir».
Ben Achour a connu Saïed quand ils enseignaient ensemble à l’université : «C’était le meilleur des hommes et l’un des plus doux. Je lui ai ouvert ma maison pour qu’il recopie d’anciens manuscrits qui le séduisaient. Et mes relations avec lui étaient très bonnes. Mais Kaïs Saïed le président, je ne le connais pas et il ne me représente pas.» Et pour cause : «Il n’a pas l’étoffe d’un chef d’Etat, d’autant qu’il n’accepte pas de faire des concessions et ne recherche pas le compromis. Il refuse le dialogue sans exclusion et sans conditions préalables.»
Dans ce même contexte, le juriste a estimé que le dialogue national projeté ne produira rien sans la participation de l’UGTT, des organisations nationales, des représentants de la société civile et des experts reconnus.
Concernant les critiques adressées à la Hiror, qu’il avait dirigée au lendemain de la révolution, Iyadh Ben Achour a déclaré : «C’est le peuple tunisien qui a porté Ennahdha au pouvoir, et pas la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution. Et c’est Ennahdha qui a porté Saïed au pouvoir», par allusion à l’appel lancé par le parti islamiste à ses militants de voter pour Saïed lors du second tour de la présidentielle de 2019.
I. B.
Donnez votre avis