Manifestation hier soir à Paris.
La grève de la faim des prisonniers de conscience en Iran a suscité une grande mobilisation sur les réseaux sociaux en Iran et chez les défenseurs des droits de l’homme.
Par Hamid Enayat, correspondance spéciale.
La diaspora iranienne manifestait hier, samedi 26 août 2017, pour la défense des grévistes de la faim qui refusent de manger depuis près d’un mois en Iran.
Sur l’Eplanade des Invalides à Paris et dans plusieurs villes à travers le monde, les militants cherchaient à alerter sur la détérioration de leur état de santé et dénoncer l’intransigeance des autorités qui refusent de répondre à leurs revendications élémentaires.
Les courageux détenus protestent contre les violences et intimidations des gardiens de la prison de Gohardacht, appelé également Rajaï Chahr (Karaj à l’ouest de Téhéran) et les mesures visant à les priver de condition d’incarcération décentes.
Amnesty dénonce l’attitude des autorités
Amnesty International a dénoncé, dans son communiqué du 22 août, l’attitude des autorités. «Le fait que les conditions de détention soient si déplorables que des prisonniers désespérés se sentent obligés d’entamer une grève de la faim pour réclamer le respect des normes élémentaires de la dignité humaine est scandaleux et met en lumière à quel point il est urgent de réformer le système pénitentiaire en Iran», a déclaré Magdalena Mughrabi, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.
L’Ong rapporte que, «dans les cellules, les fenêtres sont couvertes de plaques de métal, les détenus n’ont pas un accès suffisant à de l’eau potable ni à de la nourriture, et le nombre de lits est insuffisant. Leurs familles n’ont pas le droit de leur rendre visite (…) Parmi eux figurent des prisonniers d’opinion, dont des défenseurs des droits humains, des syndicalistes, des journalistes, des étudiants, des dissidents politiques pacifiques et des membres de la communauté persécutée des Baha’is.»
Parmi les prisonniers politiques nombreux sont accusés de militer en faveur du mouvement d’opposition des Moudjahidine du peuple d’Iran (Ompi).
Pour sa part, le procureur général de Téhéran, Abbas Jafari-Dolatabadi, a réagi à l’initiative des grévistes. «Nous disons aux prisonniers qui font la grève de la faim et font des menaces, leur action est vouée à l’échec, car l’appareil judiciaire ne cèdera jamais», a-t-il déclaré aux médias iraniens.
Ce mollah figure sur la liste des sanctions de l’Union européenne (UE) pour violations flagrantes des droits de l’homme.
Un tabou brisé
Les pressions sur les prisonniers ont commencé quand certains d’entre eux ont écrit des lettres au Rapporteur spécial des Nations-Unis sur les droits de l’homme en Iran pour lui demander d’enquêter sur le massacre des prisonniers politiques en 1988 en Iran. Car cette question explosive est un sujet tabou pour le régime islamiste qui cherche à l’étouffer à tout prix.
Depuis que l’ampleur de ce que la FIDH a qualifié de «crime contre l’humanité» a été révélée par le fils de l’ayatollah Montazeri, le tabou a été brisé en Iran. Ce dernier, qui était en 1988 le successeur désigné de Khomeiny, le fondateur de la République Islamique, a dénoncé le massacre dans une réunion avec les membres de la «Commission de la mort» comme le «plus grand crime pour lequel l’histoire vous demandera des comptes».
L’enregistrement sonore de cette réunion avec les responsables de l’application de la fatwa de Khomeiny pour la mise à mort des prisonniers a été rendu public récemment après 28 ans de silence.
Depuis, une «Campagne pour la justice pour les 30000 victimes» de cette tuerie de masse, qui visaient avant tout les membres du mouvement d’opposition des Moudjahidine du Peuple, a été lancé par les opposants en Iran et par les exilés.
Après avoir éliminé les militants de l’OMPI, les membres des autres partis politiques de gauche ont également été exécutés. La campagne actuelle se traduit par des dénonciations de ces crimes sur les murs et les réseaux sociaux et des lettres de témoignage envoyées à l’Onu pour l’enjoindre d’engager une enquête internationale sur ce crime resté impuni.
Aujourd’hui, les courageux prisonniers politiques sont l’avant-garde de ce mouvement inédit. Par leur grève de la faim ils défendent la dignité des Iraniens et le droit à la mémoire. Ils viennent d’obtenir le soutien d’autres prisonniers politiques ailleurs en Iran. Notamment ceux de la prison d’Ardebil qui ont annoncé entreprendre une grève de la faim de sept jours en solidarité avec leurs camarades à Gohardacht.
Plusieurs personnalités et militants des droits de l’homme ont envoyé des messages de soutien. Le célèbre professeur Mohammad Maleki, ancien recteur de l’université de Téhéran, a publié un communiqué pour appeler à la mobilisation de l’opinion publique, soulignant du coup la nécessité de traduire en justice les dirigeants impliqués dans le massacre de 1988 en Iran. Pour sa part le Conseil national de la Résistance iranienne (coalition de l’opposition) a appelé les organes de l’Onu à prendre des mesures urgentes pour sauver la vie de ces prisonniers politiques.
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