Le président de la république Kaïs Saïed n’appartient officiellement à aucun parti politique, mais sa popularité pousse les opportunistes de tous bords de se réclamer de lui de façon tapageuse et à chercher à se positionner dans son sillage, en espérant qu’il finisse par les adouber ou que sa popularité rejaillisse finalement sur eux en perspective des législatives anticipées du 17 décembre 2022.
Par Imed Bahri
C’est visiblement le cas du Harak du 25-Juillet, un mouvement soutenant le président Kaïs Saïed, qui a indiqué, jeudi 2 juin 2022, lors d’une conférence de presse, qu’il organisera des campagnes de sensibilisation à travers le pays au cours desquelles il cherchera à garantir le succès du référendum du 25 juillet sur la nouvelle constitution, laquelle est en train d’être rédigée par un comité de spécialistes sous la conduite directe du chef de l’Etat.
Les 26 sections locales et 146 régionales (chiffre qu’on n’a pas pu vérifier) que le mouvement revendique seront mobilisées pour faire de cet événement politique un succès, a déclaré son secrétaire général Kamel Harrabi, en qualifiant ce rendez-vous de «décisif» pour la Tunisie.
Rompre avec la décennie noire
Si le référendum échoue, la Tunisie ne pourra pas instaurer une nouvelle république. Elle reviendra à la période d’avant le 25 juillet 2021, a-t-il précisé, en agitant le spectre du pouvoir chaotique incarné, dix ans durant, entre 2011 et 2021, par le parti islamiste Ennahdha et ses alliés soi-disant modernistes progressistes, et qui a mené à la situation de banqueroute qui est celle de la Tunisie aujourd’hui.
Kamel Harrabi a rappelé les graves défis politiques auxquels la Tunisie était confrontée avant le 25 juillet et «la décennie noire» vécue par les citoyens tunisiens. Cette situation a déclenché une crise politique sans précédent dans le pays, a-t-il ajouté.
«Aujourd’hui, nous allons travailler pour inciter les Tunisiens à contribuer positivement et activement au succès du référendum et à voter massivement le 25 juillet», a-t-il ajouté, étant entendu qu’une réponse par oui au référendum aura valeur de plébiscite pour le chef de l’Etat et son projet politique.
Kamel Harrabi, pour sa part, n’a pas doute sur l’issue du référendum du 25 juillet : il sera un succès, a-t-il tranché, ajoutant que la plupart des Tunisiens «veulent un changement politique».
Un populisme attrape-tout
Il reste cependant à se demander si ledit Harak du 25-Juillet est autorisé à parler au nom de M. Saïed et dans quelle mesure ce dernier est disposé à prêter attention aux appels du pied des initiateurs de ce mouvement, étant par tempérament un «loup solitaire» qui refuse de s’aligner sous quelque bannière que ce soit.
Pour ne rien arranger: le président de la république ne s’est jamais exprimé sur cette question. Il n’a ni reconnu les mouvements et les personnalités qui se réclament de lui et parlent même parfois en son nom, ni démenti officiellement leurs prétentions à le représenter, laissant ainsi planer le doute sur la nature des relations qui le lient à certains d’entre eux.
S’agit-il là d’une tactique pour attirer vers lui toutes les forces émergentes, d’autant que les rendez-vous décisifs pour la mise en œuvre de son projet politique attrape-tout approchent à grand pas (le référendum du 25 juillet et les législatives anticipées du 17 décembre), sans pour autant s’engager vraiment avec aucune d’entre elles ? Ou s’agit-il plutôt d’un mépris affiché à l’égard des corps constitués, quels qu’ils soient, qu’il cherche visiblement à écarter de la scène politique ?
Bien malin celui qui pourra répondre à ces questions…
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