La protestation des étudiants contre la guerre à Gaza : une manifestation de haut niveau moral

Le large mouvement de protestation, qui se déroule dans plusieurs universités en France et à l’étranger, est condamné et réprimé par les gouvernements qui, par intérêts et cécité, ne voient pas la signification morale profonde du mécontentement des jeunes étudiants.

Par Lahouari Addi *

Que disent ces jeunes de 20 ans qui sont accusés d’être des antisémites?

Ils disent que nous ne voulons pas vivre dans un monde où le conflit entre Palestiniens et Israéliens deviendra dans quelques années centenaire. Il est temps que ce conflit qui gangrène les relations internationales et empêche l’amitié entre les peuples cesse. Dès lors que, officiellement, les Palestiniens ont accepté l’existence de l’Etat d’Israël, il n’y a alors aucune raison pour que ce conflit continue. Les gouvernements occidentaux doivent obliger les Israéliens à faire la paix avec les Palestiniens. C’est ce qu’expriment les jeunes protestataires qui veulent que l’opinion internationale se mobilise pour mettre fin à ce conflit interminable, comme elle s’était mobilisée pour mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud.

Ces jeunes étudiants ne sont ni propalestiniens ni anti-israéliens: ils sont pour la paix dans la région qui profitera aux uns et aux autres. Ces jeunes savent qu’Israël signera la paix si les Etats-Unis et l’Union Européenne le décident. Ils s’adressent aux gouvernements de leurs pays qui portent une responsabilité dans cette tragédie. Et que leur répondent leurs gouvernements ? Il n’y a pas de place à l’antisémitisme dans les universités! C’est-à-dire que manifester pour la paix et condamner le massacre de civils palestiniens relèvent de l’antisémitisme.

Au lieu de se mettre au niveau de la hauteur morale de la protestation des jeunes étudiants, les gouvernements usent du mensonge pour justifier la violation du droit international et pour se dérober au devoir d’assistance à un peuple en danger d’extermination. Mais ce que ces gouvernements ne voient pas, c’est que ce mouvement de protestation de jeunes, qui compte de nombreux étudiants juifs, est un espoir de paix dans la région qui n’a que trop souffert de la haine réciproque.

Ces jeunes veulent la paix et pour cela ils méritent d’être écoutés et d’être respectés. Leurs aînés ont contribué à mettre fin à la guerre d’Algérie et du Vietnam; ils contribueront à mettre fin à la guerre injuste que mène Israël contre les Palestiniens.

* Professeur à l’Institut des études politiques de Lyon.

Ci-dessous une pétition des enseignants de Sciences Po Lyon.

Non à la répression policière à Sciences Po Lyon 

«Nous, universitaires de Sciences Po Lyon, tenons à exprimer notre profonde indignation face à l’évacuation de l’amphithéâtre Pacaut par la police ce vendredi 3 mai. Les images de nos étudiant·es aligné·es contre un mur et contrôlé·es par les forces de l’ordre sont choquantes. Elles nous rappellent s’il était besoin le sens des franchises universitaires. Cette évacuation a eu lieu alors qu’aucun signe de trouble à l’ordre public ne se manifestait et après une nuit d’occupation sans incident.

Nous dénonçons avec force la répression et la criminalisation des mouvements sociaux. Nous sommes solidaires de nos étudiant·es ainsi traité·es alors qu’ils et elles protestent pacifiquement contre des massacres de civil·es et se soulèvent pour le respect des droits humains les plus élémentaires.

Quelles que soient nos divergences d’opinion et d’analyse sur la guerre en Palestine et en Israël, nous sommes uni·es pour condamner ce climat délétère où il semble aussi inaudible de condamner les massacres du Hamas et ceux perpétrés par l’armée israélienne.

L’indispensable solidarité vis-à-vis des victimes gazaouies n’empêche en rien notre réprobation sans ambiguïté de toute forme d’antisémitisme.

Nos établissements sont des espaces de dialogue, de débat et de diffusion de la connaissance. Autoriser la force publique à pénétrer dans l’enceinte d’une université ne saurait être envisagé qu’en dernier recours, en cas de trouble grave ou d’atteinte à la sécurité des personnes.

Nous ne saurions rester silencieux et silencieuses devant la répression policière d’un mouvement étudiant d’envergure mondiale et tenons à maintenir vivante une certaine idée de l’Université comme sanctuaire dédié à la diffusion du savoir et à l’exercice de la discussion collective. Un sanctuaire non pas fermé mais ouvert sur le monde qui souffre au contact de ses soubresauts et forme des esprits critiques, libres engagés».

Lyon, le 6 mai 2024.

Signataires : Lahouari Addi, Julien Barroche, Jérôme Blanc, Gregory Bligh, Amélie Blom, Maya Collombon, Daniel Coronel Crespo, Clément Coste, Philippe Corcuff, Stéphane Corcuff, Charlotte Dolez, Laurent Douzou, Grégory Dufaud, Chloé Gaboriaux, Sandrine Garcia, Isabelle Garcin- Marrou, Carl Holland, Julio Huaco Rosas, Dorna Javan, Emmanuel Jousse, Agnès Labrousse, Catherine Lacaze, Loïck Legreneur, Gwenola Le Naour, Rémy Madinier, Harold Mazoyer, Aurore Portet, Marion Pulce, Jean-Michel Rampon, Cécile Robert, Haoues Seniguer, Théo Sabadel, Samadia Sadouni, Nicolas Sigoillot, Jean Solchany, Aubin Tantot, Laurent Thiong-Kay, Christian Velud.

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