Des professeurs de médecine tunisiens cherchent à s’installer en France après avoir participé au naufrage de la santé publique en Tunisie.
Par Dr Abdou Kéfi *
Le 26 septembre 2017 ont eu en France dans l’espace Jean Monnet au centre d’examen de Rungis les épreuves de vérification de connaissance pour la spécialité anesthésie-réanimation. Ces épreuves sont communément appelées «examen d’équivalence».
Les épreuves de vérification des connaissances (EVC) s’adressent aux praticiens des professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme et pharmacien titulaires d’un diplôme obtenu en dehors de l’Union européenne (UE) et permettant l’exercice de leur profession dans le pays d’obtention. Elles constituent la première étape de la procédure d’autorisation d’exercice (PAE) de la médecine en France.
Des professeurs passent les épreuves
Sur la liste ils étaient 450 inscrits. Seuls 187 candidats ont passé les épreuves et parmi eux une majorité était constituée de médecins tunisiens en cours de formation en fin de cursus à savoir les résidents mais aussi d’autres praticiens qui exercent en France depuis plusieurs années et qui aspirent à obtenir leurs autorisations d’exercice.
Le 15 décembre 2017 le résultat était sans équivoque : sur les 40 candidats qui ont réussi plus de 50% étaient des Tunisiens.
Jusque-là, tout semble normal puisque ça a toujours été la règle depuis des années.
Cependant, en regardant de plus près, on remarque que parmi les candidats ont siégé certaines personnes dont le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ont du certainement perdre la raison.
Des professeurs universitaires tunisiens, oui des professeurs universitaires, vous ne rêvez pas, ont passé ces épreuves pour essayer de valider leurs diplômes si cher à leurs cœurs et confirmer leurs qualifications pour l’exercice de la médecine.
Ces mêmes professeurs qui en enseignant la médecine aux jeunes prétendent détenir tout le savoir et la science et gare à celui qui ose s’opposer à leur dictature
Oui ces professeurs, qui font la pluie et le beau temps en Tunisie, se rabaissent à ramasser des miettes françaises.
Quelques jours auparavant, deux chefs de service de renommée à Tunis, passaient un entretien avec Pierre Kalfon, chef du service de réanimation polyvalente de Chartres en France. Il leur a proposé, comme à tout médecin titulaire d’un diplôme étranger à l’UE, le poste de stagiaire associé, c’est-à-dire un poste de faisant fonction d’interne. Ils seront bien entendu – si jamais ils acceptent – encadrés par des jeunes chefs de clinique français tout frais qui viennent de finir leur formation ou s’ils ont de la chance par un de leurs anciens étudiants tunisiens.
Pour l’anecdote un chef de service d’anesthésie- réanimation tunisien de Sousse, en visite à Paris pour le Congrès de la Société française d’anesthésie réanimation (Sfar) du 21 au 23 septembre dernier, a profité de cette occasion scientifique majeure pour approcher certains patrons français et leur a annoncé son désir de venir s’installer et travailler en France. Des scènes surréalistes.
Aucune dignité, aucun prestige, aucun respect du métier et de la fonction hospitalo- universitaire qu’ils occupent. Peut-on vraiment se rabaisser à ce point ?!
Avant eux le professeur Mohamed Salah Ben Ammar avait fui la rive sud de la Méditerranée pour aller s’installer de l’autre côté du périphérique parisien, dans le 93.
Sauve qui peut…
Ce qui est encore plus dramatique c’est que ces mêmes personnes, et la liste est encore très longue, sont les inventeurs de la notion du patriotisme médical. Drôle d’invention. Un patriotisme basé sur le mensonge et la sanction. Effectivement, pendant des années ils ont obligé les résidents qui partaient se perfectionner en France – en occupant ces fameux postes de faisant fonction d’interne – de revenir en Tunisie. Sans que pour autant ils leur proposaient un meilleur avenir dans le pays.
Les résidents, qui n’ont pas eu cette chance de partir, ont été sanctionnés par tous les moyens pour ne pas mettre les pieds en France et ne pas accéder à ces fameux 4 semestres de perfectionnement.
Ces chers professeurs donneurs de leçons de patriotisme géraient leurs services et leur collège d’une main de fer et gare à celui qui ne se plie pas à leur exigence. Les représailles sont souvent lourdes et inappropriées.
Ces chers professeurs qui sont en places depuis des décennies et qui ont vu le déclin de la santé publique et de l’enseignement universitaire sans remuer le petit doigt – certains ont même participé à ce désastre sans scrupule pour des fins personnelles de pouvoir ou d’enrichissement – quittent aujourd’hui le navire après avoir tout fait pour le couler impunément.
Face à un Etat tunisien faible et ankylosé, face à des ministres en carton et des élus incompétents, le désastre de la santé publique s’aggrave. Aucune volonté de changement, aucune révolution, aucune solution radicale ne semblent proches. C’est hélas le citoyen qui paye le prix fort, parfois de sa vie et de son sang.
Ironie du sort ces chers professeurs échouent tous aux épreuves d’équivalence en France et rentrent bredouille.
* Médecin tunisien à Paris.
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