Pourquoi les drones du Hezbollah rendent-ils fou Israël?

Les drones du Hezbollah que ce soit les drones kamikazes ou de combat qui ont frappé des positions et des installations militaires israéliennes ou les drones de reconnaissance comme le Hodhod 3 qui a pénétré la semaine dernière jusqu’à Haïfa où il avait filmé avec une grande précision des sites civils et militaires ainsi que des installations portuaires sans être détecté sont devenus un casse-tête pour Israël et une véritable source d’inquiétude. Comment ces drones peuvent-ils échapper au très sophistiqué système anti-aérien israélien? 

Imed Bahri

Que ce soit les Houthis au Yémen, des milices pro-iraniennes en Irak, l’armée iranienne ou le Mouvement de résistance islamique Hamas, ils ont tous lancé des drones en direction d’Israël avec des modèles et des méthodes similaires alors pourquoi les drones du Hezbollah ont-ils été les seuls à pouvoir pénétrer les défenses israéliennes et à frapper des cibles à plusieurs reprises?

L’auteur israélien Nitzan Sadan a soulevé cette question dans une analyse parue dans le journal israélien Calcalist en affirmant qu’aucune force au Moyen-Orient n’avait jamais réussi jusque-là à envoyer des drones à l’intérieur d’Israël qui puissent contourner le système de défense anti-aérien et à atteindre réellement ses cibles.

Sadan estime que la première possibilité est que le succès des drones du Hezbollah soit dû à leur lancement à une très courte distance d’Israël. Les défenses anti-aériennes ne peuvent donc pas les détecter contrairement aux drones envoyés par l’Iran en direction d’Israël le 14 avril dernier qui furent faciles à découvrir et à abattre. Israël était parvenu, avec l’aide des États-Unis et de la Grande-Bretagne, à abattre 185 de ces drones.

Les drones Zouari

Cependant Nitzan Sadan réfute cela en affirmant que la portée n’est pas la seule raison. Le Hamas dispose du drone kamikaze Zouari – du nom de l’ingénieur aéronautique tunisien assassiné par les services israéliens devant chez lui à Sfax – capable de transporter des munitions et considéré comme un outil très innovant et dangereux.

Les drones Zouari sont lancés depuis des bunkers souterrains et parfois à une distance inférieure à 4 kilomètres mais aucun de ces drones n’a atteint sa cible.

Les drones Zouari utilisés par le Hamas lors de l’opération Déluge d’Al-Aqsa.

Également, il n’est pas toujours possible d’intercepter des drones à longue portée à l’instar de qui s’est produit lorsque des drones de type Martyr 101 lancés depuis l’Irak ont réussi à frapper à deux reprises la zone d’Eilat. Par conséquent, ces exemples prouvent que l’hypothèse de la courte portée ne fonctionne pas toujours. Ce n’est pas systématique. Il y a d’autres raisons. 

L’auteur ajoute que la deuxième caractéristique des drones du Hezbollah est l’outil lui-même. Il a une taille qui le rend presque invisible ce qui rend difficile sa détection ou son interception à une époque où les dispositifs de surveillance israéliens fonctionnent en couvrant différentes zones avec plusieurs radars qui se couvrent mutuellement. Il poursuit son analyse en expliquant que le radar reçoit des signaux revenant de la même direction et sait qu’il y a un mouvement suspect dans l’air. Par conséquent, lorsque le drone a une surface inférieure sous différents angles comme l’aile d’un avion qui n’a pas de queue, il sera détecté plus tard que les autres. C’est aussi ce qui distingue les drones du Hezbollah des autres.

Il existe un autre facteur qui distingue les drones du Hezbollah: le matériau à partir duquel ils sont fabriqués. Un drone furtif peut renvoyer une plus petite quantité d’ondes radar qui lui sont envoyées ce qui le rend plus difficile à détecter.

La troisième caractéristique qui les distingue, c’est leur altitude de vol car ils volent à basse altitude ce qui les fait disparaître derrière la pente du sol pendant une période plus longue et lorsqu’ils entrent dans la ligne de mire du radar de détection et qu’ils entrent en collision avec les ondes radio de l’antenne, il y a une forte probabilité qu’ils rebondissent et entrent en collision avec le sol. Ainsi, le radar obtient une cible située en deux points différents ce qui signifie qu’il sera plus difficile de suivre l’appareil et de diriger les armes vers lui. L’antimissile peut chasser l’ombre du drone, pas le drone lui-même.

La quatrième caractéristique est le modèle de vol du drone. La plupart d’entre eux sont conçus pour se déplacer en ligne droite afin de réduire le temps de vol et les risques de chute ce qui les rend faciles à suivre. Toutefois, le Hezbollah est très habile à dissimuler ses démarches. Ses drones sont placés à l’avance sur des points de lancement cachés; ils sont transportés dans le plus grand secret et les outils eux-mêmes sont suffisamment petits pour être cachés dans une charrette tirée par un âne. L’Iran a intentionnellement conçu ces drones pour que n’importe qui puisse les lancer sans trop de préparation ni d’équipement.

Le terrain disperse les fréquences

Nitzan Sadan attribue le succès des drones du Hezbollah à la topographie des frontières libanaises. Les dispositifs de détection et leur technologie moderne peuvent détecter la plupart des attaques aériennes provenant de toutes les directions mais jusqu’à présent, ils ne peuvent pas détecter à travers les zones montagneuses de la frontière libanaise considérées comme une zone idéale pour les drones. Le terrain disperse les fréquences et le suivi devient plus difficile.

L’Ukraine est considérée comme le pays le plus exposé aux attaques utilisant des drones et non Israël, indique l’auteur. Il ajoute que, depuis le déclenchement de la guerre au printemps 2022, près d’un millier de drones ont été lancés en direction de ce pays dont des centaines ont été abattus car l’Ukraine est très plate et ne présente aucun obstacle aux systèmes de détection. Ainsi, les défenseurs ukrainiens peuvent envoyer des avions MiG-29 et des missiles anti-aériens vers les essaims de drones russes tandis que le pourcentage élevé de victimes dans les villes ukrainiennes est dû à l’intensité des tirs. La Russie lance des dizaines de drones.

Sadan conclut son analyse en affirmant que la détection de deux drones Ababil du Liban est plus difficile que celle de 20 drones Samad du Yémen ou 200 drones Shahed iraniens. De ce fait théoriquement, la possibilité que Nasrallah envoie un grand escadron de drones constitue une faible probabilité car plus le nombre est grand, plus il est facile d’être découvert par le système de défense.