Les potins du cardiologue: la solitude  de l’angioplasticien sur le fil du rasoir tenant le patient au-dessus du vide

L’angioplastie coronaire n’est pas un sport, c’est une activité à risques qu’il convient d’évaluer avant toute procédure, et plutôt que de s’attribuer des succès souvent dus à la chance, et qui ne sont donc qu’éphémères, le mieux est d’éviter les actes qui ne s’imposent pas ou dont l’issue est incertaine comparativement au bénéfice escompté.

Dr Mounir Hanablia *

L’angioplastie coronaire est une technique simple aux effets importants. Les configurations des sondes (les cathéter-guides) font qu’elles sont généralement adaptées à la morphologie anatomique du patient. Leur plan de courbure est en général confondu avec celui de l’axe de l’ostium coronaire (orifice d’entrée de l’artère). Ceci permet l’introduction de l’extrémité de la sonde dans l’artère, assurant un appui crucial pour l’introduction dans l’artère des prothèses (stents), qui constitue le but de la procédure.

Ceci constitue évidemment l’éventualité théorique. Mais pour peu que l’axe de l’artère soit décalé, en général vers l’arrière, par rapport à la courbure de la sonde, les choses peuvent s’avérer plus problématiques, particulièrement quand le jeu de sondes disponibles dans le cath lab  est limité.

Récemment, je me suis amusé si on peut qualifier cela ainsi à accrocher un ostium droit fantomatique. On peut y passer allègrement des dizaines de minutes, particulièrement quand le patient ne s’impatiente pas, mais il faut néanmoins avoir le souci de lui éviter l’hémodialyse qu’un usage immodéré du produit de contraste pourrait lui occasionner lorsqu’il est âgé et diabétique.

La chasse aux sténoses

Finalement, bon an mal an, après une heure d’essais infructueux, il a fallu se rendre à l’évidence qu’avec les moyens du bord, il valait mieux se contenter d’un ostium qui ne se livrait qu’à moitié, et se montrer acrobatique, en introduisant le guide (le fil) dans l’artère sans appui, et prier pour que le stent franchisse la sténose sans trop de problèmes.

Évidemment, cela ne s’est pas avéré le cas, avec le guide en place, le stent butant au seuil de la sténose, entraînant selon le fameux principe newtonien de l’action et de la réaction un recul de la sonde emportant le tout aux quatre vents. Il a fallu de nouveau retrouver le chemin de l’artère et recommencer la procédure cette fois avec un ballon afin de pré-dilater la sténose, permettant ainsi le passage de la prothèse, son positionnement, et son déploiement, pour achever la procédure.

Pour tout dire le praticien peut à la fin d’une procédure réussie être rayonnant, et pas seulement du fait de la quantité phénoménale de rayons X encaissée. Néanmoins, dans la chasse aux sténoses, le mieux est d’abord de s’assurer que le cath lab dispose de tout l’attirail complet nécessaire, ce qui n’est pas évident puisque les considérations commerciales font que le matériel périmé ne soit plus commandé, et l’inspection de la Santé ne fait rien pour s’assurer que les institutions obéissent à des normes précises dans leurs activités.

La seconde précaution est de disposer d’une aide opératoire efficace, idéalement un collègue, mais dans ce cas il faut que la collaboration ait déjà fait ses preuves et que la confiance règne, ce qui n’est pas toujours le cas. En effet, certains collègues n’ont d’autre hâte, lorsque la procédure s’éternise, que de prendre la main afin de démontrer leur supériorité, et surtout malheureusement, de prendre des risques dont ils s’abstiendraient pour leurs propres patients.

Il est vrai qu’un praticien seul peut prendre un peu plus de temps pour achever sa procédure, mais en contrepartie, il peut consacrer toute son attention au patient, et aux gestes qu’il est lui-même amené à faire, plutôt que surveiller aussi son collaborateur.

Eviter les actes dont l’issue est incertaine

Enfin, il y a évidemment différents types de patients. L’idéal c’est évidemment ceux qui sont dotés d’un calme olympien et qui prennent leur mal en patience. Mais il y a bien sûr les émotifs, ceux dont le cœur se ralentit, dont la tension baisse, qui se plaignent toutes les demi-minutes, et qu’il faut véritablement haranguer afin de les calmer. Et naturellement pour ces derniers il existe toujours inévitablement une difficulté supplémentaire, par exemple deux artères coronaires gauches naissant par des ostium séparés et où il n’y a d’autre alternative que de les cathétériser séparément. En général les réanimateurs sont là pour pallier à ce genre de situations, mais c’est là un sujet non moins problématique que je n’aborderai pas.

En conclusion, l’angioplastie coronaire n’est pas un sport, c’est une activité à risques qu’il convient d’évaluer avant toute procédure, et plutôt que de s’attribuer des succès souvent dus à la chance, et qui ne sont donc qu’éphémères, le mieux est d’éviter les actes qui ne s’imposent pas ou dont l’issue est incertaine comparativement au bénéfice escompté, afin de limiter le tribut humain payé à l’orgueil déplacé, à l’ambition démesurée, et à la rivalité professionnelle ridicule. Et lorsque la procédure s’avère pour une raison ou une autre irréalisable, il faut encore avoir le courage de le reconnaître, d’y renoncer, ou de la reporter, plutôt que de s’entêter jusqu’à l’issue fatale, ainsi que le font malheureusement certains collègues à la réputation pourtant bien établie et qui leur épargnerait toute poursuite judiciaire éventuelle. 

* Médecin de libre pratique.

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