Benjamin Netanyahu veut acculer les États-Unis à entrer en guerre avec l’Iran

Dans ses calculs pernicieux, Benjamin Netanyahu compte déclencher une guerre avec l’Iran et y entraîner les États-Unis. Pour lui, c’est le moment adéquat. Une guerre de grande envergure contre l’Iran maintiendra au pouvoir le génocidaire Premier ministre israélien et lui permettra d’éloigner le spectre des comptes qu’il doit rendre aussi bien sur le 7-Octobre que dans les affaires de corruption qu’il traîne mais également elle lui permettra d’empoisonner la campagne électorale de Kamala Harris qu’il ne veut pas voir à la Maison-Blanche et compromettre le mandat du nouveau président iranien qui veut négocier et ouvrir une nouvelle page avec les États-Unis. Un dessein diabolique qui inquiète aux États-Unis où des analystes tentent de secouer les décideurs pour ne pas jouer le jeu du dangereux Israélien.

Imed Bahri  

Le Time magazine a publié une analyse de Trita Parisi, directeur de l’Institut Quincy pour une gouvernance responsable, dans lequel il affirme qu’Israël veut entraîner les États-Unis dans une guerre contre l’Iran, soulignant que l’Etat hébreu était sans aucun doute derrière l’assassinat mercredi à Téhéran du responsable politique du Hamas Ismail Haniyeh.

En embarrassant grandement l’Iran avec l’assassinat de Haniyeh sur son territoire quelques heures après avoir assisté à la cérémonie d’investiture du nouveau président Masoud Pezeshkian, Israël accentue l’ampleur d’une plus que probable vengeance iranienne.

Tuer le négociateur pour mettre fin à la négociation  

C’est du moins l’avis de l’ancien chef du Conseil national de sécurité d’Israël, car Netanyahu veut déclencher une guerre à grande échelle dans la région et y entraîner les États-Unis. Même si Israël lui-même en paiera un lourd tribut, la guerre soutiendra les objectifs de son inamovible Premier ministre de multiples manières.

Premièrement: l’assassinat de Haniyeh a mis fin à toute perspective d’accord de cessez-le-feu, car Netanyahu s’est fermement opposé à un accord qui mettrait fin à la guerre. Le journal israélien Haaretz a révélé que Netanyahu avait divulgué, avant même les cycles de négociations, des informations sensibles afin de saboter toute possibilité d’accord.

Alors que le président Biden répondait au Time magazine qui l’interrogeait sur la tentative de Netanyahu pour se maintenir au pouvoir: «Il y a toutes les raisons pour tirer cette conclusion», le Premier ministre sait que cet accord entraînera l’effondrement de sa coalition et mettra fin à son règne. Cela accélérerait également les procès pour corruption auxquels il fait face et signifierait qu’il pourrait aller en prison. Rien ne met plus efficacement fin aux négociations que de tuer le négociateur de l’autre côté en l’occurrence Ismaïl Haniyeh.

Deuxièmement: l’assassinat de Haniyeh met dans une impasse la nouvelle candidate démocrate à la présidentielle américaine Kamala Harris alors que l’administration Biden continue de reprocher au Hamas d’avoir entravé les négociations et de parvenir à un accord de cessez-le-feu.

Certains éléments indiquent que Harris pourrait adopter une position différente de celle adoptée par Biden qui repose sur un fort parti-pris pro-israélien. «Comme je l’ai dit au Premier ministre israélien, il est temps de parvenir à un accord», a-t-elle déclaré après l’avoir rencontré la semaine dernière à Washington. Elle lui reprochait le manque de progrès. Il était difficile pour Netanyahu d’ignorer son langage froid, ses mouvements corporels, sa supposée sympathie pour les Palestiniens et sa volonté de blâmer Israël pour l’étouffement des négociations.

Troisièmement: Tuer Haniyeh signifie tuer une autre ligne de négociations entre les États-Unis et l’Iran. L’élection surprise du réformateur Masoud Pezeshkian et sa volonté d’envisager des négociations avec les États-Unis ont ouvert une petite fenêtre pour la diplomatie.

Mais l’escalade déclenchée par l’assassinat a gravement compromis les chances de Pezeshkian de créer un espace politique à Téhéran pour une telle action. Cela est d’autant plus vrai que Téhéran estime qu’Israël a agi avec la bénédiction de l’administration Biden. Dans une lettre adressée au président du Conseil de sécurité de l’Onu, le représentant permanent iranien à l’Onu a écrit que l’attaque «n’aurait pas pu avoir lieu sans l’autorisation et le soutien des services de renseignement des États-Unis».

Entraîner l’Amérique dans une guerre régionale

À la lumière de l’opposition de longue date d’Israël aux relations américano-iraniennes, la décision d’assassiner Haniyeh alors qu’il participait à l’investiture de Pezeshkian n’était probablement pas une coïncidence.

Netanyahu a passé les deux dernières décennies à inciter les Américains à s’opposer à l’Iran et à tenter de les convaincre de l’attaquer. Les quatre présidents américains précédents ont subi des pressions israéliennes pour attaquer l’Iran.

Même si l’accent reste mis sur le projet nucléaire iranien, la volonté de guerre avec Téhéran va au-delà du simple enrichissement de l’uranium. Israël considère l’Iran comme une menace pour les arrangements régionaux et sa capacité à attaquer librement la Syrie et le Liban en toute impunité.

Les Israéliens estiment qu’un accord nucléaire avec l’Iran ne modifiera pas l’équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient. En effet, en assouplissant les sanctions contre l’Iran, comme dans le traité signé en 2015 par l’administration Obama et d’autres pays avec Téhéran, l’Iran disposerait d’une supériorité qualitative dans l’équilibre des pouvoirs dans la région qui s’étend du golfe Persique à Israël.

La supériorité israélienne ne peut pas être maintenue par la seule action militaire mais nécessite plutôt des sanctions économiques et une intervention militaire américaine. Par conséquent, à travers cet assassinat, Israël veut pousser l’Iran à réagir d’une manière qui pourrait provoquer une guerre à grande échelle pouvant à son tour entraîner l’Amérique dans cette guerre.

Aujourd’hui, l’administration Biden peut empêcher la région de sombrer dans le chaos mais elle n’y parviendra pas sans fixer des lignes rouges claires et générales pour Netanyahu. Or, elle répugne toujours à le faire…

À son tour, l’éditorialiste de la politique internationale du New York Times et son ancien correspondant à Beyrouth et à Jérusalem Thomas Friedman a également abordé cette question d’acculer les États-Unis d’entrer dans une guerre contre l’Iran. Il a estimé que si le conflit actuel entre Israël, l’Iran et ses mandataires (Hamas, Hezbollah et les Houthis) dégénère en une guerre totale –une guerre qu’Israël ne peut pas mener seul longtemps–, le président Biden pourrait être confronté à la décision la plus fatidique de sa présidence. Faut-il entrer en guerre avec l’Iran pour soutenir Israël et éradiquer le programme nucléaire de Téhéran qui constitue la pierre angulaire du réseau stratégique iranien dans la région. L’Iran construisait ce réseau pour remplacer l’Amérique comme le protagoniste le plus puissant au Moyen-Orient et pour épuiser Israël à mort avec mille blessures infligées par ses mandataires. 

Netanyahu veut ouvrir les portes de l’enfer

Friedman appelle cependant a faire toujours preuve de prudence avec les projets de Netanyahu. «Comme l’a noté l’ancien diplomate israélien Alon Pinkas dans Haaretz jeudi, il faut se demander pourquoi Netanyahu a maintenant choisi d’assassiner le chef du Hamas Ismail Haniyeh à Téhéran, au milieu de négociations sensibles sur les otages.» Il se demande si c’est simplement parce qu’il est capable de le faire, ou si Israël «provoque délibérément une escalade dans l’espoir que le déclenchement de la guerre avec l’Iran entraînera les États-Unis dans le conflit ce qui éloignerait davantage Benjamin Netanyahu du spectre de rendre des comptes sur ce qui s’est passé le 7 octobre», écrit l’éditorialiste du New York Times.

Le média américain Axios toujours bien informé a indiqué que Biden dans son entretien téléphonique avec Netanyahu jeudi soir lui a indiqué que s’il choisit l’escalade avec l’Iran, il ne devait pas compter sur les États-Unis. Le doute est permis car avec M. Biden, les évènements nous ont appris qu’il fallait se méfier de ses belles paroles et qu’il y a un toujours un décalage entre la parole et les actes comme nous l’avons analysé dans un précédent article intitulé «Gaza: Docteur Joe et Mister Biden».

On a du mal à croire que le président américain qui n’a pas arrêté de gaver les Israéliens avec les armes les plus sophistiquées et les bombes les plus dangereuses pendant les dix mois du génocide à Gaza pourrait lâcher Israël dans une guerre contre l’Iran et ne pas intervenir. C’est trop beau pour être vrai. Par contre, la seule certitude c’est que si les États-Unis continuaient à suivre aveuglement et bêtement le génocidaire Netanyahu, les portes de l’enfer s’ouvriront sur l’ensemble du Moyen-Orient et même au-delà et personne ne sait comment les choses finiront.

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