Que peut apporter la Tunisie à la pacification de la Libye?

L’envoyé spécial américain pour la Libye, l’ambassadeur Richard Norland, a réitéré le refus des États-Unis d’imposer des solutions par la force à quelque partie que ce soit en Libye et a exprimé la volonté de son pays de se coordonner avec la Tunisie pour avancer vers un règlement politique basé sur le dialogue et la négociation.

Imed Bahri

Norland a fait cette déclaration lors de sa rencontre, lundi 12 août 2024, à Tunis, avec le ministre des Affaires étrangères Nabil Ammar, à laquelle a pris part aussi l’ambassadeur américain en Tunisie Joey Hood.

Le chef de la diplomatie tunisienne a réitéré de son côté le soutien de son pays à tous les efforts visant à parvenir à un règlement «global et durable» garantissant la sécurité, la stabilité, l’unité et la souveraineté de la Libye, ajoutant que la solution politique pour ce pays doit être dans un cadre de consensus et sous une direction inter-libyenne sous les auspices de l’Onu, selon le communiqué du ministère tunisien des Affaires étrangères.

Selon le même communiqué, Norland a salué le rôle «positif et constructif» de la Tunisie pour combler le fossé entre les interlocuteurs libyens, estimant sans doute que, contrairement à beaucoup d’autres pays engagés dans la crise libyenne (Russie, Etats-Unis, Turquie, Emirats arabes unis, Egypte et autres Algérie), la Tunisie n’est alignée sur la position d’aucune des parties en conflit et qu’à ce titre, elle est mieux placée pour jouer un rôle de rapprochement des points de vue, rôle modérateur que la diplomatie tunisienne a toujours su jouer depuis l’ère bourguibienne, grâce notamment à sa neutralité bienveillante  et dynamique.  

Impasse politique

Rappelons que la Libye est en proie à des problèmes de sécurité sporadiques dans un contexte de division politique persistante depuis 2022.

Le pays est actuellement gouverné par deux administrations rivales : le Gouvernement d’unité nationale (GNU) reconnu par l’Onu et dirigé par Abdul Hamid Dbeibah basé à Tripoli, qui contrôle la partie occidentale du pays, et le gouvernement d’Oussama Hammad, nommé par la Chambre des représentants, qui opère depuis Benghazi et gouverne la région orientale et certaines parties du sud, sous la férule de l’incontournable maréchal Khalifa Haftar.

Les efforts menés par l’Onu pour organiser des élections législatives et présidentielles ont échoué à plusieurs reprises, prolongeant l’impasse politique du pays et exacerbant la situation sécuritaire dans ce pays riche en pétrole, ressource qui suscite toutes les convoitises sur le plan aussi bien intérieur qu’extérieur.

Cette situation requiert, de la part de la Tunisie, beaucoup de doigté si elle veut s’engager dans la recherche d’une solution pacifique négociée dans ce pays voisin dont la situation politique et économique a toujours influé, positivement ou négativement, selon les époques et les aléas géostratégiques, sur la situation de ce côté de la frontière.

Dissiper les soupçons

Demandez aux habitants de Zarzis, Ben Guerdane, Médenine,Tataouine et de toutes les régions du sud de la Tunisie et ils vous diront ce qu’il attendent de la stabilisation du «pays frère». Et ce qu’ils redoutent de la poursuite des tensions qui le traversent depuis la chute du régime de Kadhafi en 2011.

Donc, s’engager oui, mais pas comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Et pour se donner des chances de réussite, la Tunisie doit reprendre langue avec les dirigeants de l’est libyen qui lui ont souvent reprochée d’être trop proche de leurs adversaires de l’ouest, lesquels, faut-il le rappeler, contrôlent la frontière avec la Tunisie. D’où la complexité de la situation et la difficulté de dissiper les soupçons de part et d’autre.

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