Le gouvernement britannique financerait une campagne médiatique visant à promouvoir les réformes économiques dans notre pays. Ce qui a provoqué une polémique au Royaume Uni…
Par Marwan Chahla
Cette nouvelle a été révélée hier, lundi 2 juillet 2018, par le quotidien britannique ‘‘The Guardian’’, qui a obtenu des documents ayant trait à cette campagne et attestant que cette opération a été confiée à l’agence publicitaire internationale M&C Saatchi.
Les objectifs que cette campagne s’est fixée concernent notamment «une meilleure sensibilisation de l’opinion publique [tunisienne] quant au rôle du gouvernement [tunisien] dans la planification et la mise en œuvre des réformes économiques» entreprises dans le cadre du programme économique soutenu (ou imposé) par le Fonds monétaire international (FMI).
En début d’année, rappelle ‘‘The Guardian’’, une première série de mesures d’austérité du gouvernement Chahed, visant à réduire le déficit budgétaire et à relancer la machine économique, avaient suscité – sans doute, par manque d’explication et de pédagogie – certains mouvements de protestation dans le pays… Et c’est là, donc, qu’interviendrait l’entreprise des Frères Maurice et Charles Saatchi…
Cibler la tranche d’âge 18-35 ans
Selon les documents obtenus par ‘‘The Guardian’’, la M&C Saatchi devait principalement cibler, dans une première étape, la tranche d’âge 18 à 35 ans des Tunisiens qui se sont soulevés contre le chômage endémique, les réductions des aides de l’Etat et la hausse du coût de la vie.
‘‘The Guardian’’ croit également savoir que le financement britannique de cette campagne devait être fourni par cette structure opaque du Fonds conflit, sécurité et stabilité (Conflict, Security and Stability Fund, CSSF, en anglais), une filiale peu connue de plusieurs ministères importants du gouvernement britannique, y compris les départements des Affaires étrangères – le Foreign Office – et du Développement international.
Ces révélations sur le financement de cette campagne de «relations publiques» en Tunisie ont vite fait de provoquer un tollé général parmi les membres du parlement britannique – travaillistes et indépendants, bien évidemment, mais également parmi certains Tories – car tous expliquent qu’il s’agit de la dépense de l’argent du contribuable britannique…
Pour rappel, le CSSF dispose d’un budget de plus d’1,2 milliard de livres sterling (près de 4,2 milliards de dinars tunisiens, MdDT).
«Je n’ai pas en mémoire de meilleur exemple du cynisme de ce gouvernement [conservateur de Theresa May] que le financement d’une campagne de relations publiques pour soutenir l’Etat tunisien en utilisant l’argent des contribuables britanniques et en prétendant promouvoir la paix et la sécurité à l’étranger», dénonce le député Labour Lloyd Russell-Moyle, membre de la commission Développement international à la Chambre des communes.
Pour Asad Rehman, directeur exécutif de l’Ong ‘War on Want’ (Guerre contre la misère), les projets soutenus par le gouvernement britannique en Tunisie «semblent davantage concernés par le soutien de gouvernements tunisiens à coup de campagnes de relations publiques que de s’adresser aux véritables causes des protestations, qui ont en réalité trait aux questions économiques et aux inégalités.» Il y a risque en cela, selon le directeur de l’association caritative: «Faire appel à des sociétés britanniques [comme la M&C Saatchi, ndlr] pour aider des gouvernements à faire passer coûte que coûte des politiques hautement controversées crée davantage de motifs de friction et peut mener au recours à la force», avertit Asad Rehman.
Ingérence ou aide au développement
Réagissant à la vague de critiques que viennent de soulever ces révélations du Guardian, le porte-parole du gouvernement britannique a répondu que «tous les programmes du CSSF n’ont d’autres vocations que renforcer la gouvernance démocratique et la sécurité, avec le peuple tunisien», ajoutant que «le projet en question soutient la fonction publique en Tunisie à communiquer en toute transparence avec les citoyens tunisiens et cette opération de communication a enregistré des résultats convaincants puisqu’il y a eu une hausse appréciable de 18% du nombre des Tunisiens souhaitant en savoir plus sur les questions économiques et les réformes dans leur pays.»
Pour sa part, le Foreign Office (FO) s’est limité à déclaration selon laquelle la M&C Saatchi ne fait que fournir des services commandés par le premier ministère britannique et que cette entreprise britannique n’entretient aucun lien direct avec le gouvernement concernant ce projet. De plus, ajoute le FO, les programmes du CSSF ont enregistré nombre de succès…
La M&C Saatchi, qui a été le principal artisan de la campagne et de la victoire des Tories en 2015, refuse pour l’instant de commenter cette affaire que nombre d’observateurs se sont empressés de qualifier d’«ingérence britannique dans les affaires internes de la Tunisie.»
Affaire à suivre, sans doute, lorsqu’elle sera relayée par les réseaux sociaux et «nos politiques»…
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