Ali Chourabi juge de troisième grade a déploré la prolongation de la grève observée depuis 3 semaines par les magistrats, et qui se poursuivra encore la semaine prochaine, estimant que «la justice est prise en otage et que cela porte aussi atteinte aux intérêts des citoyens».
Dans une déclaration, ce samedi 25 juin 2022, à Kapitalis, Ali Chourabi a exprimé son opposition à cette grève observée par ses collègues suite au limogeage de 57 d’entre eux par le président de la république, qui a affirmé que ces derniers sont impliqués dans des affaires de corruption, de contrebande, de trafic et de manipulations de dossiers, entre autres abus.
«La grève n’est pas la première étape que les protestataires peuvent observer et leur stratégie n’est donc pas efficace. Le recours à titre gracieux, puis à la médiation et le dialogue, auraient dû être une priorité pour les juges qui dénoncent cette décision, mais ils ont préféré de prime abord se rebeller et aller à l’escalade», a déploré Ali Chourabi, en ajoutant que cette attitude irrespectueuse de l’Etat de droit souille davantage l’image de la justice.
«Il faut respecter l’Etat, l’institution de la présidence de la république ainsi que le président en sa personne et en cas de désaccord, pencher pour un recours en justice, notamment auprès du tribunal administratif. La grève est un mouvement observé lorsque tous les recours sont épuisés, ce qui n’est pas le cas dans cette situation», a-t-il expliqué.
Le juge estime aussi que ses collègues entravent le bon fonctionnement du service public et privent le citoyen de son droit d’accéder à la justice : «La démarche observée our par les grévistes ne fera qu’aggraver la crise, voire même mener vers une impasse, d’autant que la grève a aussi des limites dans le temps si l’on se réfère aux mouvements syndicalistes menés notamment par l’UGTT», affirme-t-il.
Ali Chourabi a aussi rappelé, à l’occasion, que des magistrats avaient également été révoqués par Noureddine Bhiri en 2012, lorsqu’il était ministre de la Justice : «étonnamment, à cette époque, ils n’avaient pas observé de grève mais avaient saisi le tribunal administratif qui les a déclarés recevables et a fini par leur donner raison. Cette fois-ci, les orientations politiques des uns et des autres ont visiblement imposé le désordre et mes collègues ont brûlé les étapes en commençant par une grève sauvage qui n’a que trop duré, sans oublier que certains parmi les révoqués sont en grève de la faim. C’est devenu un bras de fer, une escalade qui fait fi des intérêts des Tunisiens et non un mouvement social».
En effet, pour le juge le fonctionnement partiel, enregistré actuellement dans les tribunaux à cause de cette grève qui a commencé le 6 juin, porte atteinte aux justiciables et à l’intérêt même du pouvoir judiciaire dont l’image est lésée par de pareilles actions.
«Celles-ci ne servent pas les juges remerciés. Jusque-là ils n’ont d’ailleurs rien gagné de cette grève. Ce schéma n’est pas bénéfique et il faut être pragmatique et raisonnable et chercher d’autres schémas de sagesse qui peuvent aboutir», notamment pour certains magistrats avec qui il exprime sa solidarité, pensant que leurs dossiers peuvent être défendables.
Ali Chourabi, «en tant que bon républicain avec une expérience de 34 ans», croit en l’Etat de droit et insiste sur le respect des institutions de la république. Aussi, solidaire avec certains parmi ses collègues révoqués, qu’il dit connaître de près, le juge souhaite qu’ils puissent «adopter le meilleur schéma qui leur permettra de trouver une solution et surmonter la débâcle à laquelle ils font face et non être manipulés et servir des parties qui cherchent à envenimer la situation», a-t-il ajouté.
«Ce dossier est brûlant et ne doit pas être l’objet d’une manipulation politique via laquelle des parties cherchent à déstabiliser l’Etat et le régime républicain du président Kaïs Saïed. Ceux qui sont derrière ce bras de fer, ne prêtent en vérité aucun intérêt véritable à la situation sociale et familiale de ces magistrats mais ont des objectifs partisans et politiques et veulent garder la mainmise sur la justice», déplore-t-il.
A ce propos, Ali Chourabi souligne la necessité de l’indépendance de la justice, qui doit garder la même distance avec tous les partis politiques et exprime son opposition de voir quelconque partie avoir la mainmise sur le pouvoir judiciaire, a-t-il conclu.
Yûsra Nemlaghi
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