En politique, l’hypocrisie n’a pas de limite. Et chez Béji Caïd Essebsi, elle n’en a pas non plus. Le président de la république est tout content de s’afficher avec son homologue égyptien Abdelfattah Al-Sissi, au sommet du G8 sur l’investissement à Berlin. Remarque : il ne l’a jamais invité à Tunis où pourtant il avait invité Recep Tayyip Erdogan.
Par Imed Bahri
Sur la photo qu’on pouvait voir hier à Berlin lors du G20 Compact with Africa et qui réunissait les deux «raïs», le Tunisien Béji Caïd Essebsi (BCE) et l’Egyptien Abdelfattah Al-Sissi, le moins que l’on puisse dire est que le Tunisien est fier de s’afficher avec l’Egyptien. Il est détendu à ses côtés, tout sourire, très à l’aise et se montre même tactile avec son homologue. Il est clair que Caid Essebsi est bien content de la compagnie d’Al-Sissi et pourtant.
Les deux poids deux mesures de BCE
Et pourtant le quinquennat de BCE va bientôt s’achever et il n’a pas encore invité son homologue égyptien à Tunis. S’il est fier de son amitié avec le président égyptien et s’il est content de s’afficher avec lui, alors pourquoi ne l’invite-il pas à Tunis?
Pourtant Abdelfattah Al-Sissi a invité BCE pour une visite officielle en Egypte, début octobre 2015 (dès le début du mandat de BCE), visite qui a été effectuée et pendant laquelle notre président a été accueilli comme un monarque au Caire. Visite qui a été concomitante avec le défilé militaire célébrant la victoire égyptienne lors de la guerre d’octobre 1973 et le président Caïd Essebsi a été l’invité d’honneur de ce défilé. Il était assis entre le président Al-Sissi et la veuve de l’ancien président Anouar Al-Sadate, Jihane Al-Sadate. Et bien malgré tout cela, BCE n’a pas invité le président égyptien à effectuer une visite officielle à Tunis. Il a préféré inviter le président turc Recep Tayyip Erdogan qui lui, n’a jamais invité BCE à effectuer une visite officielle en Turquie. BCE a-t-il peur de s’attirer le courroux de ses alliés islamistes s’il invitait le président Al-Sissi, bête noire des dirigeants d’Ennahdha, filiale tunisienne de la confrérie des Frères musulmans égyptiens, qu’Al Sissi avait chassés sans ménagement du pouvoir au Caire? C’est quoi ce deux poids, deux mesures? Erdogan serait-il un ange et Al-Sissi le diable?
Ennahdha dicte-t-il ses choix à BCE
À notre connaissance, M. Erdogan est un chef d’Etat autoritaire qui bafoue tous les jours les droits humains, la liberté d’expression, la liberté de la presse, persécute les journalistes, les universitaires, les magistrats, fait la guerre aux minorités (surtout kurde) et traque ses opposants à l’étranger. Al-Sissi n’est pas lui non plus un champion des droits humains et de la liberté d’expression, mais il est moins autoritaire que le Turc et il est, surtout, un laïc, donc idéologiquement plus proche de BCE. Alors pourquoi BCE invite-il Erdogan et pas Al-Sissi?
Et maintenant qu’il dit avoir rompu avec Ennahdha alors pourquoi n’invite-il pas pour une visite officielle le président égyptien avec lequel il est si fier de s’afficher à Berlin? Il faut assumer ses amitiés et ne pas laisser les islamistes dicter la liste des hôtes officiels de la république tunisienne.
À bon entendeur…
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