L’Arabie Saoudite vient d’accorder à la Tunisie un prêt de 1.500 millions de dinars tunisiens (MDT) à la Tunisie, annonce, le 16 janvier 2019, un communiqué du ministère des Finances. Ce crédit va aggraver davantage l’endettement de la Tunisie qui atteint désormais le seuil de 71,5% du PIB contre 40% en 2010.
Par Khémaies Krimi
Ce surendettement a amené, il y a quelques jours, le député du Courant populaire Salem Labiedh à interpeller Zied Ladhari, ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, en charge du dossier et à lui demander comment a été dépensé le montant de 40 milliards de dinars de crédits contractés depuis 2011.
La réponse est qu’une bonne partie de cette dette est allée alimenter les hausses consécutives des salaires des employés de la fonction et du secteur publics, y compris le alaire de M. Labiedh, que la fonction de représentant du peuple habilite à connaître la réponse à sa question, puisqu’il vote chaque année la loi de finances et le budget de l’Etat.
Par ailleurs, même les observateurs internationaux de l’économie tunisienne se sont faits l’écho de cet endettement excessif et appelé l’Etat tunisien à mieux utiliser les dettes qu’il contracte, non pas pour augmenter les salaires et alimenter ainsi l’inflation et accélérer la dévaluation du dinar, mais pour relancer l’investissement créateurs d’emplois et de richesses.
Le rapport annuel du Forum de Davos sur la compétitivité pour l’exercice 2018, publié en novembre dernier, a classé la Tunisie à la 133e place sur un total de 140 pays listés pour l’ampleur de la dette.
La solution est pourtant à portée de main
Pourtant, pour y remédier ce ne sont pas les solutions qui manquent. La Tunisie aurait pu améliorer la gestion de sa dette et faire d’importantes économies en la matière, si jamais elle avait mis en œuvre, dans les temps, les réformes nécessaires.
Parmi celles-ci figure le projet de création d’une agence dédiée exclusivement à la gestion de la dette publique à l’instar de l’Agence France Trésor.
La mission de cette agence consisterait, essentiellement, à centraliser la gestion de la dette publique, dans le but d’optimiser l’emploi des ressources d’emprunt, à l’instar des expériences réussies dans d’autres pays.
En fait, ce projet dépoussiéré en 2016 par le défunt Slim Chaker, ancien ministre des Finances, n’est pas nouveau. Il remonte à 2009, période au cours de laquelle l’idée de créer une agence spécialisée dans la gestion de la dette avait commencé à faire son chemin.
L’objectif consiste à «passer d’une gestion statique et artisanale à une gestion dynamique de la dette et d’identifier, par le biais d’un tableau de bord et d’une feuille de route actualisés en temps réel, des opportunités d’emprunt à des conditions favorables pour la Tunisie».
Concrètement, il s’agit de mettre fin à trois dysfonctionnement. Le premier a trait à la dispersion des institutions et ministères en charge de la dette. En effet, quatre départements sont concernés: Banque centrale de Tunisie (BCT), ministère des Finances, celui de l’Investissement et de la Coopération internationale, et, de temps en temps, celui des Affaires étrangères.
Le second réside dans l’absence de coordination entre les divers départements en charge de la dette du pays. Chacun a tendance à travailler en solo.
Le troisième motif pour lequel cette agence serait créée porte sur l’inexistence d’une stratégie de la dette et de ses composantes: taux de change, monnaies, taux d’intérêt, maturité, bailleurs de fonds…
La future Agence de Trésor doit être indépendante
Avec la nouvelle agence, le professionnalisme devrait, en principe, prévaloir en ce sens où cette structure sera en mesure de calculer le risque de la dette, de choisir le moment de contracter toute dette, dans quelle monnaie (en euro, en dollar ou en yen japonais), auprès de quel bailleur de fonds, à quelle maturité et dans quelles conditions (court, moyen et long termes).
Pour garantir à cette nouvelle agence succès, efficience et pérennité, les observateurs, dont la Banque mondiale qui soutient le projet, recommandent deux préalables.
Il s’agit de la doter d’un statut lui garantissant une plus grande autonomie et indépendance par rapport aux départements ministériels. Dans un second temps, il importe de la soumettre au contrôle régulier d’une commission parlementaire permanente d’audit de l’endettement public. Question de superviser, de près, l’activité de cette agence stratégique et de dissuader tout retour à la gestion scandaleuse et clientéliste de la dette publique.
En prévision de la mise sur pied de cette institution, la société civile et, surtout, les médias gagneraient à mettre la pression sur le gouvernement pour qu’il accélère la mise en œuvre de cette réforme de la gestion de la dette et son corollaire, la création d’une Agence de Trésor.
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