Comme on s’y attendait, le président de la république, Béji Caid Essebsi, ne présidera pas ce matin, jeudi 25 juillet 2019, la cérémonie de célébration du 62e anniversaire de la république au Palais de Carthage. Et pour cause: il est très gravement malade. Ce qui suscite de sérieuses interrogations sur la marche de l’institution de la présidence, pratiquement à l’arrêt depuis plus d’un mois.
Par Ridha Kéfi
Pour ne rien arranger, et alors qu’ils s’attendaient à voir de nouveau leur président, à l’occasion de la célébration de cette fête nationale, les Tunisiens apprennent que ce dernier a été transféré d’urgence, hier soir, mercredi 24 juillet, qui plus est, dans un état grave, à l’hôpital militaire de Tunis.
C’est la troisième fois qu’il est ainsi hospitalisé et en urgence en un peu plus d’un mois. Et cette fois, les nouvelles sont plus inquiétantes que lors des deux précédentes. Le chef de l’Etat, qui a de graves difficultés respiratoires, serait même entre la vie et la mort. Selon certains praticiens, son diagnostic vital est sérieusement engagé. Et eu égard son âge avancé (93 ans) et ses antécédents de santé, on a de bonnes raisons de nous alarmer.
De bonnes raisons pour s’inquiéter
Bien sûr, nous souhaitons à M. Caïd Essebsi un prompt rétablissement afin qu’il puisse terminer, et dans des conditions minimales de confort physique et mental, le mandat pour lequel il a été élu en 2014, et prendre enfin une retraite politique bien méritée. Mais nous avons aussi de bonnes raisons de nous inquiéter de la manière dont les affaires de la présidence de la république sont gérées depuis plusieurs semaines.
Nous devons nous inquiéter, également, de la manière dont la maladie du chef de l’Etat, ou pour appeler les choses par leur nom, son incapacité, est utilisée par son entourage immédiat, notamment son conseiller politique Noureddine Ben Ticha, qui parle en son nom dans les médias et lui attribue des positions et des décisions aux conséquences politiques graves, non sans avoir auparavant fait le vide autour du chef d’Etat malade et écarté ses autres proches collaborateurs, à commencer par Saïda Garrache, porte-parole de la présidence de la république, invisible et inaudible depuis trois semaines. Ou encore Firas Guefrache, le conseiller en communication, renvoyé chez lui ou mis en vacances d’office depuis plusieurs semaines.
Parmi les proches qui s’affairent autour du président de la république et cherchent à profiter de sa situation de quasi incapacité pour en tirer quelques dividendes et régler leurs comptes avec leurs adversaires
politiques, il y a bien sûr ses propres fils Khalil et Hafedh, le directeur exécutif de Nidaa Tounes, et leurs alliés du moment, notamment Nabil Karoui, ci-devant magnat de télévision, chef de parti et candidat à la candidature à la présidentielle, faisant l’objet d’enquêtes judiciaires pour blanchiment d’argent, corruption, évasion fiscale et autres hauts faits dignes d’un grand patriote.
Il est temps de relancer la machine de l’Etat en panne
La maladie du président n’aurait pas suscité autant d’inquiétudes si elle n’était pas entourée de tant de mystères et instrumentalisée politiquement, avec notamment la non-ratification de l’amendement de la loi électorale, adopté par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), amendement auquel Noureddine Ben Ticha, Hafedh Caïd Essebsi et Nabil Karoui sont, simple coïncidence sans doute, farouchement opposés.
Cette non-ratification, dont on doute qu’elle soit une décision personnelle du président de la république, habituellement respectueux des règles et des formes, a provoqué une crise constitutionnelle et politique et risque de compliquer la tenue des élections présidentielles et législatives prévues dans quelques semaines.
D’autres textes de loi, tout aussi importants, sont dans le pipe et attendent d’être signés par le chef de l’Etat avant d’être publiés dans le Journal officiel de la république tunisienne (Jort) et entrer enfin en vigueur, ce qui, on l’imagine, bloque certaines procédures et ne facilite guère le bon fonctionnement des institutions de l’Etat.
Jusqu’à quand cette situation lourde de conséquences va-t-elle durer ? Est-ce un crime de lèse majesté que d’invoquer l’incapacité du président de la république et d’actionner les procédures constitutionnelles nécessaires pour assurer son intérim, afin de relancer la machine de l’Etat, en panne depuis plusieurs semaines, en attendant l’élection d’un nouveau président, en novembre prochain ?
Donnez votre avis