Des pages Facebook poussent comme des champignons depuis hier, samedi 27 juillet 2019, pour vanter les qualités d’homme d’Etat du ministre de la Défense, Abdelkrim Zbidi, et le présenter comme le meilleur profil possible pour assumer la présidence de la république.
Par Imed Bahri
Certaines pages vont encore plus loin et ne se contentent pas du simple éloge : elles appellent ouvertement ce dernier («mounachada», comme au temps de Ben Ali !) à présenter sa candidature à la prochaine élection présidentielle.
La campagne, menée de manière massive, a coïncidé (et ce n’est sans doute pas une coïncidence !) avec les funérailles nationales du défunt président Béji Caïd Essebsi, décédé deux jours auparavant, à quelques mois de la fin de son mandat.
Une campagne de très mauvais goût, lancée le jour même de l’enterrement de Béji Caïd Essebsi
Difficile d’imaginer que M. Zbidi lui-même, un homme dont la discrétion est l’une des principales qualités, aurait l’impertinence et, surtout, le mauvais goût, de lancer une pareille campagne, alors que le chef de l’Etat décédé n’a pas encore été enterré. Alors, si M. Zbidi n’a rien à voir avec cette campagne de très mauvais goût, qui sent la manipulation à mille lieux à la ronde, qui en est le véritable instigateur?
Question à deux sous : certains disent (ah, les mauvaises langues !) que c’est l’homme d’affaires et lobbyiste politique, Kamel Eltaief, qui est derrière cette campagne. Ils rappellent, à ce propos, que M. Eltaief a d’abord misé toutes ses cartes sur l’ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Mustapha Kamel Nabli, par ailleurs son gendre, à la présidentielle de 2014, mais le poulain, malgré son profil rassurant de gestionnaire gris et froid, n’a pas réussi à tenir la distance.
Qu’à cela ne tienne, Eltaief le magicien, qui n’est pas à un tour près, a reporté ses ambitions sur l’ancien ministre de l’Intérieur, Lotfi Brahem, et alimenté une campagne en sa faveur sur Facebook, appelant à sa nomination à la tête du gouvernement en remplacement de Youssef Chahed, coupable à ses yeux d’avoir tenté de faire bouger le dossier de la Banque franco-tunisienne (BFT) dans lequel sa famille est impliquée. Cependant, la campagne pro-Brahem, à laquelle ont contribué certains syndicats sécuritaires, a fait pschitt après le limogeage de l’ancien ministre de l’Intérieur, rentré depuis dans les rangs.
M. Eltaief, qui se prend pour un faiseur de rois et continue de penser qu’il est le plus habilité en Tunisie à nommer les présidents, les chefs de gouvernement, les ministres, les secrétaires d’Etat, les ambassadeurs et les Pdg, a mis son dévolu, ensuite, mais pour un court laps de Temps, sur Nabil Karoui, le patron de la chaîne Nessma, et fondateur du parti Qalb Tounes (ou Cœur de la Tunisie), mais les vents ont, encore une fois, mal tourné.
M. Zbidi doit sortir de son silence et faire part aux Tunisiens de ses intentions
Les déboires de ce dernier avec le Pôle judiciaire et financier et la possibilité de voir sa candidature à la présidentielle non validée par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), en raison des lourdes suspicions de blanchiment d’argent et de corruption financière pesant sur lui, semblent avoir poussé l’ancien ami de Zine El-Abidine Ben Ali (chassé du Palais de Carthage en 1992 par Leïla Trabelsi) à miser, désormais, sur un cheval qui présente des atouts certains pour remporter la course à la présidentielle et dont l’appartenance à l’armée nationale (c’est un médecin militaire) présente une bonne assurance : c’est un commis de l’Etat, efficace, discret et dévoué. Cerise sur le gâteau : il est Sahélien, comme M. Eltaief du reste, ce qui le rend encore plus séduisant au regard de ce dernier.
Cela dit, on ne sait pas si M. Eltaief est bien derrière la campagne de soutien à la candidature de M. Zbidi à la prochaine présidentielle, comme on le chuchote dans les cercles politiques, mais on est en droit de demander à ce dernier de se prononcer lui-même à ce sujet et de faire part aux Tunisiens de ses véritables intentions : est-il candidat ou non pour le Palais de Carthage ? Car les Tunisiens ont vraiment marre des cachotteries, des manipulations et des campagnes menées par de mystérieuses parties sur les réseaux sociaux ou à travers des médias «monnayés».
La candidature à la présidence de la république est un droit pour tous les citoyens ayant les qualités requises pour le poste et à plus forte raison lorsque le postulant, comme M. Zbidi, a une longue expérience dans la gestion des affaires de l’Etat. Pourquoi alors ne pas y aller franco et continuer à recourir aux services de personnes louches et interlopes, sévissant à l’ombre de la république?
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