Les nouveaux députés, fraîchement élus, ont entamé, ce jeudi 21 novembre 2019, l’examen du projet de loi de finances 2020, que Taoufik Rajhi, ministre-conseiller auprès du chef du gouvernement chargé des Grandes réformes qualifiait de «sans surprises». Dès sa publication sur le site du ministère des Finances, il a suscité la crainte et le mécontentement de plusieurs Ong, corps professionnels et partis politiques. Et souvent pour de bonnes raisons, mais la marge de manœuvre pour le élus sera très réduite.
Par Khémaies Krimi
La première contestation est à l’actif du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), qui a estimé, dans un communiqué, que le projet de loi de finances 2020 consacre l’élargissement de la fracture entre les aspirations du peuple à une vie meilleure et la persistance de la politique d’austérité du gouvernement.
Le Forum impute la poursuite de cette politique de précarité, avec ses corollaires, la cherté de la vie et la baisse du pouvoir d’achat, à la soumission aveugle du gouvernement aux seules conditionnalités du Fond monétaire international (FMI), alors que ces dernières ne devaient être qu’une composante d’une politique de croissance et de développement plus large.
Concrètement, pour le Forum, les mesures d’austérité sont perceptibles à travers l’augmentation au fort taux de 20% du prix des carburants et sa conséquence automatique attendue, la majoration des tarifs du transport, de l’électricité et dans d’autres secteurs.
La poursuite de l’austérité aggrave la précarité
Le Forum fait une mention spéciale pour la pression qui sera exercée sur les recrutements sous prétexte, comme le recommande le FMI, de réduire le poids de la masse salariale dans la fonction publique à 12% du budget, contre plus de 15% actuellement, l’un des taux les plus élevés au monde, faut-il le rappeler, en raison des recrutements massifs effectués depuis la révolution de 2011.
Par les chiffres, les recrutements dans la fonction publique ne dépasseront pas en 2020 les 7.720 contre 18.000 à 20.000 en temps ordinaire, et ce, en dépit d’énormes besoins urgents signalés dans des secteurs sensibles tels que l’éducation, la santé, la formation professionnelle et la culture.
Autre grief formulé par le FTDES contre le projet de loi de finances 2020, la modicité de la contribution des ressources propres (recettes de participations de l’Etat, de pétrole et de gaz…) au financement du budget laquelle est estimée à 77% contre une norme internationale de 85%.
L’agriculture serait le grand oublié du projet de la LFC 2020
Pour sa part, l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (Utap), a exprimé, «son mécontentement de l’exclusion du secteur de l’agriculture et de la pêche du projet de la loi de finances 2020». L’Union aurait souhaité des mesures spécifiques aux fins de réduire la dette des agriculteurs et de booster les filières sinistrées, s’agissant notamment de l’aviculture, de la pêche et des grandes cultures (prix, pénurie d’engrais…).
L’Utap a accusé, dans un communiqué, le ministre de l’Agriculture du gouvernement sortant, Samit Taieb, d’avoir «passé à la trappe» la contribution de l’Etat au fonds de lutte contre les catastrophes naturelles. Celle-ci, versée pour la première fois en 2018, est estimée à 30 millions de dinars tunisiens (MDT).
Les promoteurs immobiliers face à une nouvelle majoration de la TVA
Parmi les métiers et les professions qui contestent le plus ce projet de loi de finances ce sont les promoteurs immobiliers. Leur secteur, chouchouté depuis les années 80 (exonération de la TVA, enregistrements des contrats à des taux préférentiels…), est soumis, depuis 2018, à une augmentation graduelle de la TVA. Ainsi, depuis cette date, les acquisitions de biens à usage d’habitation par les particuliers sont assujetties à la TVA au taux de 13% en 2018 et à 19% à partir du 1er Janvier 2020. L’objectif du gouvernement étant d’encourager les promoteurs publics (Snit, Sprols…) qui construisent les logements économiques et sociaux où il y a une forte demande et de décourager les logements de luxe, hors de portée du Tunisien moyen.
De toutes les craintes précitées, c’est, à n’en point douter, la mesure relative à l’augmentation des tarifs du prix du carburant (+20%) qui, de par sa transversalité, risque de provoquer beaucoup de dégâts. Est-il besoin de rappeler ici ce qui s’est passé en Jordanie en 2018 et actuellement en Iran à cause justement de la majoration du prix du carburant ? Bref, le prochain gouvernement, non encore constitué, sait ce qui l’attend…
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