Dans cet article, l’auteur, médecin anesthésiste réanimateur, alerte sur une catastrophe sanitaire imminente en Tunisie: «On doit être délirant ou délirante pour passer à côté de tous les signaux d’alarme qui ne cessent de se multiplier», avertit-il, avertit-il, à propos de la recrudescence des contaminations par la Covid-19. Et pour cause : «L’heure est grave et chaque minute perdue peut causer la perte d’une vie humaine.»
Par Kaissar Sassi *
En mai, j’ai fait mes recherches afin d’estimer objectivement le nombre des patients qu’on pouvait ventiler dans toutes les réanimations de la Tunisie. Le résultat était de 800. Pour vous dire qu’à un instant (t), on pouvait ventiler 800 patients simultanément.
En médecine, quand un patient présente une détresse respiratoire avec baisse d’oxygène dans le sang, on se trouve dans l’obligation de le ventiler par des respirateurs pour pouvoir lui apporter de l’oxygène. Notamment, la détresse respiratoire peut être causée par le coronavirus dans ce contexte précis. Donc le nombre de respirateurs disponibles conditionne les capacités hospitalières à accueillir les patients atteints de Covid-19 et nécessitant cette ventilation artificielle.
Les signaux d’alarme ne cessent de se multiplier
Ce chiffre de 800 a été confirmé par l’ancien DGS, Chokri Hammouda, dans la semaine qui a suivi la publication de mon article sur Kapitalis «Les vraies capacités de services de réanimation en Tunisie».
Aujourd’hui, on doit être délirant ou délirante pour passer à côté de tous les signaux d’alarme qui ne cessent de se multiplier:
En un clin d’œil, on a atteint 55 patients hospitalisés dans les réanimations et 170 dans les services médicaux. Le nombre de personnels soignants atteints de Covid-19 a dépassé 400. Les indicateurs épidémiologiques sont à la hausse avec un caractère explosif.
Donc le nombre des cas graves va inévitablement augmenter au même rythme de la propagation exponentielle de ce virus… Le nombre de personnels de santé infectés va augmenter aussi et à la fin on va se trouver face à un pic épidémique, probablement en novembre, concomitant au pic de la grippe, une saturation des réanimations et un manque de personnels de santé.
Malgré tout ça, on n’a même pas arrêté l’activité hospitalière à froid pour alléger la tension dans les hôpitaux. Aucune autre mesure n’a été imposée, au moins pour amortir cette pente de la courbe des nouveaux cas recensés.
Il faut faire tout le nécessaire pour protéger les acteurs de santé
Sur ce, je vous le dis en toute objectivité et responsabilité. Si on reste les bras croisés, une catastrophe sanitaire se déroulera sous nos regards impuissants et elle aura des conséquences gravissimes.
À mon humble avis, il faut ré-interdire immédiatement les rassemblements de plus de 10 adultes surtout les rassemblements non nécessaires; diminuer l’activité à froid hospitalière au strict minimum; et faire tout le nécessaire pour protéger les acteurs de santé dans tous les hôpitaux publics et privés.
L’heure est grave et chaque minute perdue peut causer la perte d’une vie humaine.
* Médecin réanimateur anesthésiste.
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